Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/405

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Damas, la famille Farhi. Les trois rabbins de la communauté, qui avaient déjà été incarcérés une première fois, furent de nouveau soumis à la torture, mais persistèrent à nier énergiquement le crime qu’on imputait aux Juifs.

Ému de compassion pour les victimes de cette odieuse machination, le consul d’Autriche, Merlato, dont un des protégés juifs, Picciotto, avait été également inculpé dans cette affaire, s’éleva avec indignation contre ces traitements barbares. Sa courageuse protestation lui suscita d’implacables ennemis. Il ne pouvait plus sortir de sa maison sans être suivi d’espions. Afin de surexciter également le fanatisme des Musulmans contre les Juifs, Ratti-Menton fit traduire en arabe un libelle venimeux que lui avaient remis les moines et qui affirmait que le Talmud prescrit aux Juifs de se servir du sang d’enfants chrétiens et de souiller les hosties. Cet ouvrage fut répandu dans la population turque par les soins de Schérif-pacha. Celui-ci fit aussi amener isolément devant lui chacun des trois rabbins détenus et leur enjoignit, sous menace de mort, de traduire en Crabe, exactement et sans la moindre altération, quelques-uns des passages incriminés du Talmud. À la fin, Ratti-1lenton conclut expressément à la culpabilité des Juifs emprisonnés, et Schérif-pacha écrivit à Méhémet Ali, son maître, pour lui demander l’autorisation de faire exécuter les meurtriers du père Thomas.

Vers la même époque, une autre accusation de meurtre rituel fut dirigée contre les Juifs dans l’île de Rhodes. On trouva pendu un jeune garçon de dix ans, fils d’un paysan grec, et immédiatement les chrétiens répandirent le bruit que les Juifs l’avaient tué. Les consuls européens invitèrent alors le gouverneur turc de l’île, Youssouff-pacha, à ouvrir une enquête rigoureuse contre la population juive. Cette double accusation, à Damas et dans l’île de Rhodes, produisit une certaine agitation en Syrie et dans la Turquie. À Djabar, près de Damas, la populace se rua dans la synagogue, la pilla et déchira les rouleaux de la Loi. À Beyrouth, les Juifs n’échappèrent aux mauvais traitements que grâce à l’intervention des consuls de Hollande et de Prusse. Les troubles s’étendirent jusqu’à Smyrne.