Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/415

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lui demandèrent la mise en liberté immédiate des malheureux inculpés, détenus depuis six mois. Cette supplique fut recommandée à Méhémet Ali par tous les consuls européens, sauf celui de France, et par le consul des États-Unis d’Amérique. Mais avant que cette requête lui fût remise, le vice-roi d’Égypte, par une résolution toute spontanée, ou peut-être pour ne pas paraître céder à la pression des représentants des puissances étrangères, rit savoir qu’il accordait la liberté des prisonniers et autorisait le retour de ceux qui avaient pris la fuite.

Le lendemain, en lisant la traduction du firman accordé par Méhémet Ali, Crémieux vit avec surprise qu’il y était question de GRACIER les prisonniers. Comme cette expression changeait complètement la nature de l’acte de justice obtenu du vice-roi, il se Mita de retourner auprès de lui et lui fit comprendre que le mot grâce laisserait supposer que les accusés étaient coupables. Avec un bienveillant empressement, Méhémet Ali remplaça ce terme par les mots que lui proposait Crémieux : Nous ordonnons, dit Méhémet Ali dans ce firman, que tous ceux des Juifs qui ont été emprisonnés soient mis en liberté. Pour ceux d’entre eux qui auraient abandonné leurs foyers, je veux que la plus grande sécurité leur permette d’y rentrer… Nous ordonnons que vous preniez toutes les mesures pour qu’aucun d’eux ne devienne l’objet d’aucun mauvais traitement.

Aussitôt que l’ordre de Méhémet Ali fut parvenu à Damas, Schérif-pacha remit les détenus juifs en liberté. Malheureusement, quatre des prisonniers avaient succombé aux tortures, et des neuf survivants sept étaient estropiés des suites des supplices qu’on leur avait infligés. Devant la prison s’étaient réunis tous les Juifs de Damas et un grand nombre de Turcs pour accompagner les martyrs jusqu’à la synagogue et s’associer à leur bonheur. On put voir, dans cette circonstance, que les plus considérés des Musulmans n’avaient jamais cessé d’éprouver la plus vive sympathie pour les victimes des moines et de Hatti-Menton.

Mais Crémieux et Montefiore ne considéraient pas encore leur tâche comme terminée. Afin d’empêcher autant que possible le retour de l’odieuse accusation du meurtre rituel, ils croyaient nécessaire de faire proclamer par le sultan qu’une telle accusation