Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/429

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rocher dans lequel il a été taillé. Pour bien comprendre et apprécier l’esprit de cette religion, il fallait avoir pénétré le sens exact des livres saints qui lui servent de base. Après avoir été, en quelque sorte, déifiée par les deux ou trois religions qui sont fondées sur elle, après avoir été vénérée comme un livre qui contient absolument tout, la Bible était tombée en discrédit au XVIIIe siècle. Par haine pour les Juifs, l’école de Schleiermacher avait complètement négligé l’Ancien Testament, le séparant du Nouveau et lui déniant presque toute importance et toute autorité. L’école rationaliste s’était bien occupée de la Bible, mais dans le but d’en diminuer la valeur. Les protestants croyants, tels que Tholuck, Hengstenberg et d’autres coryphées de cette religion, n’y avaient cherché que des témoignages en faveur du christianisme. Parmi les Juifs, seuls trois savants. Krochmal, Luzzatto et Michel Sachs, s’étaient sérieusement consacrés à l’étude de l’Écriture Sainte, mais n’y avaient procédé qu’avec beaucoup de timidité. C’est un chrétien qui eut le mérite de faire mieux comprendre le langage des Prophètes et des Psaumes et de présenter sous leur vrai jour les premières époques de l’histoire du peuple juif. Par ses ouvrages Les Prophètes de l’ancienne alliance et Histoire du peuple d’Israël (1843-1847), Henri Ewald éclaira tout un côté de l’esprit et de l’histoire des Hébreux qui, jusque-là, était resté dans l’ombre. Il développa, en effet, cette pensée fondamentale que les descendants d’Abraham furent réellement un peuple de Dieu, chargé d’enseigner aux autres hommes de hautes vérités morales. Ces vérités, ajoutait-il, sont exposées dans les livres saints des Juifs et démontrées par leur histoire.

Par une aberration singulière, Ewald, qui glorifiait les anciens Hébreux et la mission élevée que la Providence leur avait confiée, se montrait plein de dédain pour leurs descendants et demandait qu’ils fussent soumis à une législation restrictive. Par contre, un homme d’État célèbre, qui fut en même temps un excellent romancier, Benjamin d’Israéli ou Disraeli, manifestait pour eux, à cause de leur illustre origine, une estime toute particulière. Disraeli, devenu plus tard lord Beaconsfield, eut un père juif qui, pour une raison personnelle, se fit chrétien avec sa famille.