Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/43

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malheureux hasard lui fit connaître l’existence de quelques écrits cabalistiques des plus absurdes et des plus insensés, ceux de Joseph Giquatilla, de Castille, que l’apostat Paul Riccio venait de traduire en latin. Dès qu’il les eut entre les mains, il les étudia avec passion et publia la Science de la Cabale, qu’il dédia à Léon X. Il voulut sans doute démontrer au pape, par son ouvrage, qu’il avait eu raison de défendre les ouvrages juifs contre les dominicains, puisque la Cabale confirmait avec éclat la vérité des dogmes chrétiens. Il est vrai que Reuchlin n’était alors pas seul à témoigner cette prédilection pour la Cabale. Plusieurs cardinaux, et le pape lui-même, étaient convaincus que cette doctrine mystique pourrait servir à l’affermissement de l’Église. Du reste, quelque temps plus tard, Léon X encouragea l’impression du Talmud. En 1519, un riche et généreux imprimeur chrétien d’Anvers, Daniel Bomberg, publia une édition complète du Talmud de Babylone, avec des commentaires, en douze volumes in-folio, qui servit de modèle aux éditions postérieures. Le pape accorda à l’imprimeur des privilèges pour le protéger contre la contrefaçon.

Mais il se produisit alors en Allemagne un mouvement qui fit bientôt totalement oublier les démêlés de Reuchlin et des dominicains, un mouvement qui ébranla la papauté, fit chanceler l’Église catholique sur sa base et changea l’aspect de l’Europe. C’était la Réforme. Au début, l’agitation provoquée par les réformateurs n’était, en réalité, que la continuation de la lutte engagée au sujet du Talmud, et elle aurait été peut-être étouffée dans son germe si elle n’avait pas été soutenue et développée par un homme d’une énergie et d’une fermeté exceptionnelles. Cet homme s’appelait Martin Luther. D’un caractère passionné et d’une volonté inflexible, Luther, obligé de défendre ses idées et de répondre aux objections incessantes de ses contradicteurs, s’affermit de plus en plus dans la conviction que le pape n’était pas infaillible et que le christianisme devait s’appuyer, non pas sur la volonté des papes, mais sur les saintes Écritures.

Dans une comédie qui, à l’origine, parut en français ou en latin et fut ensuite traduite en allemand, Jean Reuchlin est très clairement présenté comme le créateur de ce mouvement de libre