Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/48

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des temps antiques avait été enveloppe de tant de voiles, altéré par tant de fausses interprétations et surchargé de tant de commentaires qu’il en était devenu absolument méconnaissable. Comme on avait essayé de trouver toutes les idées, toutes les conceptions et tous les systèmes dans l’Écriture sainte, on n’en comprenait plus le vrai sens. Les laïques chrétiens ne connaissaient plus la Bible, parce que la papauté, défiante, en avait interdit la traduction en langue vulgaire, et les ecclésiastiques ne la connaissaient que fort mal par la Vulgate latine, qui fausse fréquemment le sens du texte. Ce fut donc un événement important quand Luther la traduisit, dans sa solitude de la Wartburg, en langue allemande. Pour beaucoup, c’était comme une nouvelle Révélation, qui illuminait leur esprit d’une clarté radieuse. Les catholiques eux-mêmes furent obligés de violer la prescription des papes et de donner des versions de la Bible en langue vulgaire. Aussi fut-elle traduite successivement dans presque toutes les langues européennes. Chez les Juifs aussi, on sentait la nécessité de faire connaître la Bible au peuple. Elia Lévita la traduisit en allemand à Constance, quand il retourna d’Isny à Venise, et un Marrane de Ferrare, Duarte de Pinel, dont le nom juif était Abraham Usque, en donna une version espagnole. Entraîné par le courant, Daniel Bomberg n’hésita pas à entreprendre la tâche considérable d’imprimer l’Ancien Testament avec les commentaires de Raschi, d’Ibn Ezra, de Kimhi, de Gersonide et d’autres savants. Cette Bible rabbinique eut un tel succès qu’il fallut, depuis, en donner sans cesse de nouvelles éditions.