Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/50

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et de l’Allemagne. Au lieu de se joindre à la communauté existante, ces transfuges formèrent des groupes séparés, sans lien sérieux entre eux. Dans certaines villes, on trouvait à la fois des communautés italiennes, romanes (grecques), espagnoles, portugaises, allemandes et même africaines. Ainsi, Constantinople, Andrinople et Salonique possédaient tout un groupe de communautés dont chacune avait son administration, son rituel particulier, ses rabbins, ses écoles, ses institutions de bienfaisance, ses compétitions et ses querelles intestines. Il était impossible, dans ces conditions, de réaliser une œuvre sérieuse et qui fût vraiment d’intérêt général. Les chefs religieux, qui, presque tous, étaient de mœurs pures et austères et d’une sincère piété, se trouvaient dans une situation difficile et manquaient du courage nécessaire pour combattre avec énergie l’égoïsme, la présomption et l’orgueil des riches.

Ce qui était encore plus funeste, pour le judaïsme de ce temps, que cette division des communautés en groupes et sous-groupes, c’est que, chez les Juifs espagnols comme chez ceux d’origine allemande, on ne rencontrait ni initiative hardie, ni largeur de vues, ni élévation d’esprit. Tous, il est vrai, savaient mourir avec une vaillance héroïque pour les croyances paternelles, mais pour tout le reste on demeurait enfermé dans le cercle étroit de la routine. Ceux qui cultivaient la science se contentaient de marcher dans les sentiers battus. On s’appliquait principalement à expliquer les auteurs anciens, à commenter les œuvres déjà existantes et même à écrire des commentaires sur d’autres commentaires. Les talmudistes interprétaient le Talmud, et les philosophes le Guide de Maïmonide. Pas de souffle poétique, même chez ceux qui avaient été nourris de poésie, pas un cri de douleur qui rit vraiment frissonner pour exprimer les souffrances des Juifs. La seule nouveauté de ce temps fut le goût que quelques Juifs d’origine espagnole témoignèrent pour l’histoire. Ils entreprirent de raconter pour la postérité le long martyre de leurs aïeux. Les savants juifs qui enseignaient l’hébreu aux chrétiens, Abraham Farissoi, Jacob Mantino, Abraham de Balmes, quoique très honorés par leurs élèves, ne jouissaient pas d’une grande autorité parmi leurs coreligionnaires. Élie Delmedigo, qui était