Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

développa-t-il ses conceptions vraiment philosophiques dans un autre ouvrage, aujourd’hui disparu, qu’il avait intitulé Harmonie du ciel. Ses Dialogues n’ont rien de particulièrement juif. Aussi trouvèrent-ils plus d’admirateurs parmi les chrétiens que parmi les Juifs. Les Italiens surtout étaient fiers de voir exposées pour la première fois des pensées philosophiques dans leur langue. Cet ouvrage fut bientôt traduit en latin et en espagnol. Le sombre et fanatique roi d’Espagne, Philippe II, accepta même la dédicace de la traduction espagnole.

À côté de Léon Medigo, qui fut une glorieuse exception parmi ses coreligionnaires de ce temps, apparaissent malheureusement des hommes qui firent le plus grand mal au judaïsme. Ce sont les exilés espagnols Juda Hayyat, Barukh de Bénévent, Abraham Lévi, Meïr ben Gabbaï, Ibn-abi Zimra, qui tirent pénétrer les rêveries cabalistiques en Italie et en Turquie et déployèrent une grande activité pour propager leurs divagations. Leur tâche leur fut facilitée par l’accueil enthousiaste que plusieurs savants chrétiens, Egidio de Viterbe, Reuchlin, Galatini, et même un pape, avaient fait aux extravagances de la Cabale. On se disait, parmi les Juifs, qu’une doctrine qui séduisait ainsi tes chrétiens les plus considérés devait être forcément l’expression de la vérité même. Fait tout nouveau, des prédicateurs enseignèrent la Cabale du haut de la chaire, affirmant avec une imperturbable audace la supériorité des cabalistes sur les autres rabbins, parce qu’eux seuls comprenaient vraiment la loi. Aussi la Cabale, qui n’avait eu jusqu’alors qu’un nombre très limité d’adeptes, se répandit-elle peu à peu dans le peuple, qu’elle infecta de son poison ; elle fit sentir son influence désastreuse jusque dans le culte synagogal et la vie religieuse. Les rabbins ne s’opposèrent que mollement à cet envahissement, parce qu’eux aussi n’étaient pas loin de croire au caractère divin de cette doctrine.

Il arriva ce qu’on pouvait facilement prévoir. La Cabale fit naître des rêveries messianiques dans ces esprits troublés. Comme autrefois les Esséniens, les cabalistes ne nourrissaient qu’une seule pensée, ne poursuivaient qu’un seul but, provoquer l’arrivée du règne messianique, et ils trompaient leur impatience en fixant d’avance la date de cet événement à l’aide de combinaisons