Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/78

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qu’il y voyait un commencement de réalisation de ses espérances messianiques, et aussi parce que le rôle qu’on lui offrait flattait son amour-propre. Il se présentait pourtant une difficulté. Légalement, pour pouvoir donner l’ordination, il faut avoir été ordonné soi-même, et aucun rabbin de cette époque ne l’était. On put heureusement sortir d’embarras. Car, d’après Maïmonide, les rabbins de la Palestine avaient le droit d’ordonner un de leurs collègues, qui, à son tour, pouvait donner l’ordination à d’autres. Comme Safed, habitée par plus de mille familles juives, était alors la plus importante des communautés palestiniennes, les rabbins et les talmudistes de cette ville formaient la majorité eu Palestine ; ils s’empressèrent, au nombre de vingt-cinq, d’investir Berab de cette dignité (1538). La première pierre était donc posée pour l’institution d’un Sanhédrin. Berab, ordonné, pouvait transmettre sa dignité à autant de collègues qu’il lui plaisait. Il démontra, dans une consultation talmudique, la légalité de cette façon de procéder, et cette innovation fut approuvée successivement par les talmudistes des diverses communautés de la Palestine. C’était là, dans la pensée de Berab et de ses partisans, un premier pas dans la voie qui devait mener à l’ère messianique. Et de fait, la réorganisation d’un Sanhédrin présentait cet avantage, sinon de faciliter la venue du Messie, du moins d’assurer l’unité du judaïsme. Le rétablissement du Sanhédrin en Palestine aurait eu, en effet, parmi les Juifs d’Europe, un immense retentissement et attiré de nombreux émigrants riches et actifs, qui, appuyés par cette assemblée, auraient peut-être réussi à organiser une sorte d’État juif.

Mais Berab rencontra de sérieuses difficultés dans la réalisation de son plan. Les représentants de la communauté de Jérusalem se trouvèrent froissés que Berab eût entrepris une œuvre aussi considérable sans les avoir préalablement consultés. Il appartenait, à leur avis, à la cité sainte de se prononcer la première dans une circonstance aussi grave.

Jérusalem avait alors à sa tête, comme chef religieux, Lévi ben Jacob Habib, né à Zamora et à peu prés du même âge que Berab. Contraint au baptême, comme tant de ses coreligionnaires portugais, sous le règne de Manoël, il s’était enfui du Portugal en