Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/91

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avec la petitesse d’esprit d’un bourgeois rancunier et calculait jalousement les quelques deniers qu’ils pouvaient gagner.

Comme s’il ne suffisait pas de la haine des catholiques et des protestants, les Juifs étaient également en butte à la malveillance des catholiques grecs. Dans l’Asie Mineure et la Turquie d’Europe, les Grecs, n’osant pas s’attaquer aux Turcs, qui étaient les maîtres du pays, poursuivaient les malheureux juifs d’une sourde et tenace hostilité. Un jour, à Amazia, dans l’Asie-Mineure, quelques Grecs firent disparaître un de leurs coreligionnaires et accusèrent les Juifs de l’avoir égorgé. Sur l’ordre des cadis turcs, les inculpés furent soumis à la torture et firent des aveux ; on les pendit, sauf un médecin estimé, Jacob Abi Ayoub, qui fut brûlé (vers 1545). Quelques jours plus tard, un Juif rencontra le Grec censément assassiné et l’amena devant un cadi. Là, il raconta la façon dont on l’avait momentanément fait disparaître. Le cadi, indigné de cette odieuse supercherie, fit exécuter les faux accusateurs.

Dans une autre ville de l’Asie Mineure, à Toka, des Juifs furent également accusés d’un crime de ce genre, et là aussi on put démontrer la fausseté de l’accusation. Pour protéger à l’avenir ses coreligionnaires contre les conséquences de telles calomnies, un médecin juif du sultan Soliman, Moïse Hamon, sollicita et obtint de son maître un décret en vertu duquel les Juifs de Turquie, accusés du meurtre d’un chrétien ou d’un autre crime analogue, ne seraient pas jugés par les tribunaux ordinaires, mais par le sultan.

Dans les pays catholiques, la liberté de persécution était moins restreinte. Pendant quelque temps, la république de Gènes n’accordait à tout Juif qu’une autorisation de séjour de trois jours. Peu à peu, des transfuges juifs de l’Espagne et de la Provence ruaient venus s’établir à Novi, près de Gènes ; leurs affaires les appelaient souvent à Gènes même, où l’on s’habitua à les laisser tranquilles. C’étaient, pour la plupart, des Juifs intelligents et actifs, des capitalistes et des médecins. Mais à la suite des excitations des dominicains, qui surent éveiller la jalousie des marchands et des médecins chrétiens contre leurs concurrents juifs, ceux-ci furent expulsés de Gènes (1550), contre la volonté du doge André Doria, et on annonça à son de trompe que, dorénavant,