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SOUDAN

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au S. ; ces derniers, généralement fétichistes et subordonnés aux autres peuples de race mandé, mossi ou peul, se répartissent entre une série de peuplades depuis le Mossi au N. jusqu’au Ouassoulou à l’O., aux pays de Kong et de Salaga au S.

Les races nègres du Soudan ont été aux prises depuis l’origine de leur histoire avec les populations du Sahara et progressivement subordonnées par des envahisseurs étrangers venus du N. et de l’E. par voie de terre, et plus récemment de l’O. et du S. par voie de mer. Depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne, le Sahel saharien, la vallée du moyen Niger sont contestés. On y trouve d’abord les Sonrhaï, dont on ne sait encore à quelle race il faut les rattacher ; leur lutte avec les Berbères les affaiblit et au xi e siècle ils sont évincés par les nègres Sousou de race mandé, puis par les Malinké établis ù Timbouetou. Les Berbères, convertis à l’Islam dès la fin du vn e siècle, formaient dans le Sahara méridional le peuple des Sanhadja, dont les principales tribus étaient les Lemta au S. du Maroc actuel et les Lemtouna dans l’Adrar occidental. Ils combattent ardemment les nègres fétichistes aux ix e et x e siècles, fondant le royaume d’Aoudaghost (entre leTagant et Oualata). Auxi e , les Lemtouna fondent le grand empire almoravide (V. ce mot) qui s’étend du Tage au Niger ; de ce coté, ils soumettent l’ancien royaume de Ghana, Djenné, Ouangara, les pays jusqu’au Sénégal. Mais les Sousou les rejettent au siècle suivant dans la zone désertique. A la même époque arrivent les Arabes de l’invasion hillalienne ; la plus nomade de leurs trois tribus, celle des Beni-Hassan, s’avance par le désert jusqu’à Oualata, où, par son mélange avec les Berbères Lemtouna et Masoufa, elle forme les nouvelles tribus des Aroussiyn et des Mechdouf ; plus à l’O., les Ouled-Delim et les Berabich absorbent les Djeddala. Le Sahara occidental devient ainsi le domaine de ces métis d’Arabes et de Berbères, où dominent le sang berbère et l’influence arabe, que les Européens englobent sous le nom de Maures, populations pillardes et batailleuses, divisées en petits clans. Au contraire, le Sahara central est demeuré berbère ; on y retrouve les grandes tribus des Lemta et des Zenata sous le nom de Touareg. Le peuple berbère des Tademekka établi au N.-E. du Niger dès le xi e siècle est reloulé au xvn e par les Touareg Aoueliinmiden, qui de l’Iguidi s’avancent dans l’Adrar oriental et conquièrent la prépondérance sur le Niger septentrional. La possession de Timbouetou fut constamment disputée entre eux et les nègres ; en 1 433, les Touareg s’en emparent sur les Mandé de Mali ; la seconde dynastie sonrhaï les refoule ; mais elle succombe devant la grande expédition |marocaine de 1588. Les Chorfa, qui avaient renversé dans le Maroc la domination des Berbères Zenata, entreprennent la conquête du Sahara ; ils occupent les salines de Taghaza (1586) et deux ans après, 3.600 fusiliers, en majorité Andalous, conduits par l’eunuque Djodar, s’emparent de Timbouetou et de la vallée septentrionale du Niger ; une route jalonnée de poteaux assure les relations avec le Maroc. Toutelois, les descendants des envahisseurs, connus sous le nom de Bouma, se rendent indépendants : un caïd du Sous, Sidi Ali, fonde une dynastie locale (1667) ; mais les Bouma mariés avec les négresses sont victimes de l’atavisme : ils retournent au type nègre et dès 1680, les Mandé reprennent Timbouetou ; des dynasties locales d’origine arabo-berbère se maintiennent quelque temps à Djenné, Bamba, Sansandig et dans le Bakhounou. Les Maures Trarza et Brakna refoulent au S. du Sénégal les nègres Ouolofs, avec lesquels ils se métissent.

Les derniers grands envahisseurs du Soudan sont les Peuls ou Foulbt ? (pluriel de Poulo), dits aussi Fellata, Fouto, etc., race mystérieuse à peau rougeàtre qui est devenue prépondérante dans le Soudan occidental. Ils sont venus de l’E. et s’étendent actuellement de Yola, capitale de l’Adamaoua, sur la Binoué, jusqu’à l’embouchure du Sénégal ; ils occupent par des colonies plus ou moins compactes le Fouta-Toro, le Eouta-Djallon et les abords, le Ouassoulou, le Macina. le Gando, le Sokoto, le Bornou, l’Adamaoua ; ils ont essaimé au Ouadaï et au Dur-For à l’E., vers l’Oubanghi au S. Leurs métis, très influents au Sénégal, sont généralement connus sous le nom de Toucouleurs. Morcelés en tribus hétérogènes, les Peuls sont surtout liés par l’idée musulmane au service de laquelle ils ont mis leur énergie conquérante. Les Peuls apparaissent aulhentiquement au xm e siècle, venant du royaume de Kanem, qui s’étendait au N. du lac Tchad jusqu’au Fezzan, à l’E. vers le Ouadaï, à l’O. sur le Bornou. Au xiv e siècle, on en trouve dans le Bakhounou ; au xvi e , ils se sont infiltrés dans le pays sonrhaï et y fondent l’Etat de Dankka, au S.-O. de Timbouetou ; alliés aux Marocains, ils profitent de leur conquête ; on les trouve également à cette époque nomades et pasteurs guerroyant contre les rois du Baghirmi : ce qui détermine leur émigration vers l’Adamaoua et le Ouassoulou (haut Niger) d’où ils conquièrent le Fouta-Djallon Au xvu e siècle, se forme l’Etat peul du Toro, bientôt maître des deux rives du Sénégal ; au xvm e siècle, la tribu métisse des Torobé impose aux autres la foi musulmane ; vers le même moment, celle-ci prévalait au Fouta-Djallon et y instituait une véritable théocratie. Stimulés par le prosélytisme religieux, les Peuls subjugent jusqu’à l’Océan la plupart des tribus malinké de race mandé et les convertissent ; ils fondent les nouveaux Etats de Houbous, entre le Fouta-Djallon et le Komanko, et de Firdou, entre la Gambie et le rio Grande. Sur le moyen Niger, un marabout, Othman-dan-Fodié, groupe les pasteurs peuls, conquiert le Kano, le Gouber, tout le pays haoussa, le Noupé, le Yorouba et pénètre jusqu’au golfe du Bénin ; le Sokoto, le Bornou à l’E., le Gandô à l’O. sont annexés à ce nouvel empire peul qui s’étend, à la mort d’Othman (1816), du lac Tchad aux monts Hombori et du Sahara au delta du Niger. Son fils Mohammed-Bello garde le Haoussa, laissant à son cousin Mohammed-ben-Abdallah les pays occidentaux : il agrandit Sokoto fondée par son père, organise une armée, une administration ; cependant le Noupé. le Yauri se détatachent ; le roi du Bornou rejette sa suzeraineté. Après la mort de Mohammed-Bello, les pays du Niger se sont aussi détachés, mais tout en reconnaissant la suzeraineté nominale, au moins religieuse, des sultans du Sokoto. Celleci a même été admise par les sultans de Gando, successeurs de Mohammed-ben-Abdallah ; le Borgou, le Yorouba, le Kebbi ont recouvré leur autonomie, et vers l’O. les progrès des Peuls ont été arrêtés par les Mossi. Derrière ceux-ci était le royaume des Bambara de Ségou, nègres fétichistes ; à la mort de leur roi Ngolo, les Peuls du Nord se soulevèrent, appelant à eux tous les sujets musulmans et leurs frères de l’Est ; un lieutenant d’Othman-dan-Fodié fonda un royaume peul dans le Macina septentrional ; ce chef, Ahmadou-Aumed-Lebbo (f 1846), réussit au bout d’une quinzaine d’années à soumettre tout le Maciaa { 1S-22) et fut même un instant maître de Timbouetou ; sa capitale était Hamdallahi.

La fondation du dernier empire peul est encore plus directement associée à la propagande islamique. La renaissance religieuse, due au développement des croyances mystiques et hagiologiques répandues à la fin du xvm e siècle de l’Orient dans l’Afrique occidentale, y eut pour principaux organes deux grandes confréries religieuses : les Qadriya, qui représentent le groupe arabo-berbère et la tendance pacifique ; les Tidjaniya, qui représentent le groupe peul et le prosélytisme à main armée. Plus que les autres, les Peuls réduisent à la condition de classe inférieure et sujette la masse nègre demeurée fétichiste ; l’antagonisme est plus marqué dans la zone méridionale où ils opèrent que dans la zone plus septentrionale qui est le centre d’action des Maures et des Arabo-Berbères, lesquels se manifestent plus volontiers comme commerçants. Les Qadriya sont divisés en trois groupes principaux : les Bekkaya, disciples de Sid-Ahmed-el- Bekkay , prépondérants à Timbouetou