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SOUFRE

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la grande période d’évaporation lagunaire, qui est marquée par tant de dépôts gypseux et salins, et cette seule corrélation, jointe à l’association habituelle du soufre avec le gypse, tend déjà à montrer que ce soufre n’a pas été produit, comme on l’a souvent soutenu, par un phénomène éruptif ancien, analogue à celui des solfatares. En Europe, on retrouve encore un peu de soufre dans une période d’évaporation plus ancienne, celle du Zechstein, en Russie, sur les bords de la Volga, dans le gouvernement de Kazan, etc. ; mais le soufre plus ancien que le tertiaire est, en somme, une rareté. On peut se demander si cela tient à ce qu’il ne s’en est pas produit, ou plutôt à ce que celui qui se serait produit, étant toujours, par son mode de formation même, resté à une faible profondeur dans le sol, aurait été enlevé par les érosions superficielles. Nous allons bientôt discuter les théories relatives à l’origine du soufre, en étudiant avec détails le gisement qui fournit à lui seul les 8/9 de la consommation du monde, celui de Sicile, dans le miocène supérieur pontien. Les autres gisements sédimentaires, moins importants, que nous aurons à mentionner ensuite, sont : en Italie, dans le miocène supérieur, ceux de la Romagne, près de Cesena, ceux de l’Avellino et ceux de la Calabre ; en Espagne, dans la province de Murcie, ceux de Lorca, également dans le tertiaire supérieur ; en Grèce, ceux de l’isthme de Corinthe, à peu près au même niveau qu’en Sicile et ceux de Milo ; en France, ceux des Tapets (Vaucluse ) ou de Manosque (Rasses-Alpes) dans le tongrien ; en Pologne, ceux de Tcharkov, dans le tertiaire, etc. Les gisements soi fi f ères de Sicile sont situés presque tous au S. de la chaîne centrale, dits monts Madonie, qui va de Marsala à Messine, notamment le long de la voie ferrée de Girgenti à Catane, entre Girgenti et Caltanisetta : ils ont dû originairement faire partie d’un vaste ensemble, que les mouvements de dislocation ultérieurs ont brisé et éparpillé en tronçons. Les mines les plus connues sont celles de Lercara, Racalmuto, Caltanisetta, Grottacalda, Muglia, Sommatino, Aragona, Montedore, Gibellina, etc.

Les minerais de soufre forment des couches et amas importants, à la partie supérieure de la série miocène, au-dessus de l’étage sarmatien, dans ce qu’on appelle aujourd’hui le pontien, c.-à-d. les couches à congéries, au même niveau que les gypses et soufres de Toscane (formation gessosolfifera) ou les tripolis du Livournais. La coupe des terrains est la suivante : Pliocène. . Marnes, sables et grès, calcaires à foraminifères dits trubi.

Formation gypseuse avec cal-

caire magnésien imprégné de

soufre ; bancs d’argile noire

schisteuse (tu fi.) et bancs

rares de grès fins micacés

{arenaxzoli).

Pontien . . ’ Tripoli et marnes siliceuses Miocène.. 1 J farineuses, feuilletées, avec supérieur. } J diatomées, poissons marins f et d’eau douce, lignite, gri-

sou, matière organique.

Rancs d’argile plus ou moins 

bitumineux intercalés.

Sarmatien. Marne sableuse et salée, avec amas de sel gemme, macca-

lubes, etc.

Tous ces terrains ont été très fortement bouleversés et disloqués par des mouvements ultérieurs ; ce qui prête aux gites solfifères une grande irrégularité. En particulier, dans le district de Caltanisetta, les calcaires avec soufre forment deux bandes parallèles des deux côtés d’un anticlinal éocène. Quand on examine en détail une région où le soufre est exploité, on voit d’abord, à la base du gypse, une ou plusieurs couches de calcaire pénétré de soufre, couches très étendues et régulières, mais peu puissantes et pauvres. Au-dessus, toujours dans la formation gypseuse, le soufre constitue une série d’amas beaucoup plus restreints, irréguliers et indépendants les uns des autres, mais puissants et riches. Il faut bien remarquer que le soufre, associé au calcaire et toujours accompagné, comme je vais le dire, de strontiane, n’est qu’un accident dans les dépôts de gypse, à rapprocher par là des borates d’Eskisheir en Asie Mineure, intercalés de même dans le gypse. C’est un point à retenir pour expliquer le mode de formation du soufre. Si l’on entre dans les exploitations, on voit que la zone utilisable inférieure comprend, en général, plusieurs couches (ayant, en pratique, 1 m. au moins d’épaisseur, sans quoi on les négligerait) : couches séparées par des partimenti (lits stériles de calcaires, de marnes ou de tufi). Au mur de l’ensemble est le calcaire stérile (le tufo), ou souvent encore directement le tripoli. Au toit est le gypse, avec ou sans interposition de calcaire stérile, ou de tufo. Dans la partie supérieure, on a des amas riches situés dans le gypse, presque toujours avec intercalation de tufi.

Voici, par exemple, la coupe des travaux de la mine M adore, à Lercara :

Mètres

Couche de soufre rubanée 8

Argile schisteuse noirâtre 4 ,50 à 2 Nids de soufre dans un banc calcaire . 2 à 2,50 Argile 2 à 4

Grande couche solfifère 4 à 6

Argile 5 à 6

Couche solfifère 2 à 6

Gypse

Le soufre est, presque toujours, d’aspect amorphe (tout en se montrant cristallisé, au microscope), ordinairement d’un jaune brun et d’aspect résineux, quelquefois jaune et légèrement translucide ; ses cristaux apparaissent dans les géodes. Il n’imprègne pas, à proprement parler, le calcaire d’une façon intime, mais s’y trouve, presque toujours, en petites veinules (fig. 1 et 2). en noyaux, en lentilles, assez difficiles à expliquer dans le détail, si Fig. 1. — Type de minerai zone, d’après Mottura, formé d’alternances de calcaire faiblement solfifère a et de soufre légèrement calcarifère b.

l’on admet, comme l’ont fait la plupart des observateurs, la précipitation simultanée du calcaire et du soufre. Aux affleurements, le calcaire solfifère a perdu son soufre par dissolution et donne des bancs corrodés, avec rares infiltrations siliceuses, que l’on appelle, soit le briscale, soit le calcaire siliceux. Ces bancs, mis en saillie par les érosions, sont très caractéristiques dans la région solfifère. Le minerai proprement dit de soufre est un calcaire mêlé d’argile fine, qui contient de 8 à 40 °/ de soufre ; au-dessous de 8 °/o, on le rejette comme stérile ; au-dessus de 40 %, 1 est considéré comme soufre natif plus ou moins impur.