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SPARTE

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lards ou Gerousia ; peut-être la présidaient-ils ; en tout cas, il parait établi qu’ils ne disposaient chacun que d’un suffrage. En résumé, l’influence qu’ils exerçaient dans l’Etat dépendait surtout de leur valeur personnelle. A l’époque historique, d’autres magistrats, les éphores, disposaient d’un pouvoir plus étendu et surtout plus réel que les rois. L’assemblée des vieillards ou Gerousia était une assemblée de vingt-huit membres auxquels se joignaient les deux rois. Pour en faire partie, pour être l’un des Gérontes (yépovtc ;), il fallait être âgé d’au moins soixante ans, n’avoir commis aucune faute, n’avoir été puni ni blâmé par aucun magistrat, en un mot avoir été toute sa vie un excellent citoyen. C’était l’assemblée du peuple Spartiate qui désignait par acclamation les sénateurs. « Certains hommes choisis, raconte Plutarque, s’enfermaient dans une maison voisine de l’assemblée, d’où ils ne pouvaient voir personne ; ils entendaient seulement les cris du peuple ; les candidats étaient introduits dans l’assemblée l’un après l’autre ; ils la traversaient suivant un ordre qui avait été fixé par le sort. Les hommes enfermés dans la maison voisine notaient chaque fois l’intensité des acclamations qu’ils entendaient ; à la fin ils déclaraient élu celui des candidats qui avait été salué par les cris les plus forts » ( Vie de Lycurgue, 26). La dignité de sénateur était viagère. Les attributions de la Gerousia Spartiate n’étaient pas fixées par une loi. En réalité, cette assemblée était l’organe le plus puissant de l’Etat ; c’était elle qui dirigeait vraiment les affaires publiques. Elle avait l’initiative de toutes les décisions ; rien ne pouvait se faire sans elle. Dès l’antiquité, on remarqua que les Gérontes de Sparte formaient une oligarchie absolue, et qu’ils étaient en réalité les maîtres de l’Etat. Ils jugeaient les crimes qui entraînaient comme peines la mort et la déchéance civique ou atimie. L’assemblée du peuple ou Demos se réunissait une fois par mois. Seuls en faisaient partie les Egaux, ’Op.oîot, dont le nombre alla toujours en diminuant : Aristote signale la pauvreté de Sparte en citoyens. L’assemblée était convoquée chaque mois, au moment de la pleine lune. A l’époque historique, elle était présidée par un des éphores ; peut-être à l’origine, la présidence appartenait à l’un des rois. L’assemblée du peuple ne pouvait prendre aucune initiative. Elle n’avait qu’à approuver ou à rejeter les lois et les mesures déjà votées par le Sénat. Seuls avaient le droit de prendre la parole les rois, les éphores et les sénateurs. Le plus souvent le vote avait lieu par acclamation ; lorsqu’il y avait doute, les membres de l’assemblée se séparaient en deux groupes suivant leur opinion, et l’on pouvait alors compter les suffrages. Le soin d’exécuter les décisions et d’appliquer les lois votées par la Gerousia et ratifiées par le Demos incombait aux magistrats. On connaît peu les magistratures Spartiates, sauf une, celle des éphores. Les documents citent : les Bidiens, charges selon toute apparence de gouverner la jeunesse ; les Nomophylaques, dont le devoir était de faire observer les lois ; les Agonothètes ou présidents des jeux sacrés ; les Agoranomes, surveillants des marchés, etc. Mais les magistrats de beaucoup les plus importants de l’Etat Spartiate étaient les éphores. Leur origine n’est pas connue avec précision. « Hérodote attribue l’institution des éphores à Lycurgue ; Aristote et Plutarque pensent qu’ils ne furent établis qu’au temps de Théopompe (vers le milieu du vm e siècle av. J.-C). Les deux opinions peuvent se concilier si l’on admet que leur grande puissance ne date en effet que du règne de Théopompe, mais que leur existence est plus ancienne. D’après un passage de la Vie de Cléomène, les éphores n’auraient été d’abord que les ministres des rois choisis par eux pour les remplacer en cas d’absence et les décharger d’une partie de leurs fonctions ; c’est plus tard qu’ils seraient devenus indépendants et plus puissants que les rois. » (Fustel de ômlanges.) Ce qui est certain, c’est qu’à l’époque historique, les éphores exerçaient un très grand pouvoir à Sparte. Us étaient au nombre de cinq ; aucune condition d’âge, ni de rang, ni de fortune ne leur était imposée ; il fallait seulement qu’ils fissent partie des Egaux. On ignore complètement par qui et de quelle manière ils étaient désignés. Aristote nous apprend seulement qu’ils étaient tirés de la foule par un procédé qui lui parait offrir peu de garanties. Les éphores restaient en charge pendant un an. Leur pouvoir était considérable. Ils surveillaient les rois, contrôlaient leurs actes, pouvaient les mettre en accusation, les juger, les condamner à la prison ou à l’amende, même les déposer. Pendant les expéditions militaires et les négociations diplomatiques, il y avait toujours un ou deux éphores auprès des rois. Tous les magistrats devaient leur rendre des comptes ; ils n’en devaient à personne. Les rois eux-mêmes se levaient devant eux pour les honorer ; eux ne se levaient devant personne. Ils possédaient une juridiction civile fort étendue : ils jugeaient toutes les causes relatives aux contrats et aux obligations. Suivant Aristote, leur pouvoir était aussi absolu que celui des tyrans. Mais il semble qu’ils aient toujours agi d’accord avec la Gerousia ; ils étaient les véritables chefs du pouvoir exécutif dans cet Etat oligarchique.

3° Education, vie privée et publique, caractère des Spartiates. Si dans l’Etat Spartiate, tout le pouvoir réel appartenait aux membres de la Gerousia et aux éphores, c.-à-d. à un nombre très restreint de personnes, en Laconie les privilèges politiques étaient de même le monopole d’une faible minorité. Au milieu des Périèqueset des Hilotes, les Spartiates étaient comme des vainqueurs installés en pays conquis, au milieu d’une population, sinon hostile, du moins assujettie et opprimée. Aussi Sparte garda-t-elle toujours l’aspect et le caractère d’un camp ; toutes les lois, toutes les institutions visaient à faire du Spartiate un soldat dont la vie entière était consacrée au service de l’Etat. — Dès sa naissance, le Spartiate appartenait à la cité. S’il était mal conformé ou trop taible de constitution, son père était obligé de l’abandonner sur le mont Taygète où il périssait. Si au contraire l’enfant était robuste et bien bâti, on lui permettait de vivre. Il restait confié à sa mère jusqu’à l’âge de sept ans ; mais les mères Spartiates cherchaient avant tout à faire de leurs enfants de vigoureux garçons, capables de supporter toutes les intempéries. Après sept ans, l’Etat reprenait l’enfant et lui donnait une éducation toute militaire. Les exercices physiques y tenaient la plus grande place ; le but visé était de développer toute la force et toute la souplesse possible. Le corps était accoutumé à subir les rigueurs de la température et les souffrances matérielles les plus vives. Les jeunes Spartiates allaient toujours pieds nus, à peine couverts ; jamais ils ne couchaient dans un lit. Leur nourriture était à peine suffisante. Chaque année, devant l’autel d’Artémis, ils étaient fouettés jusqu’au sang avec défense, sous peine de déshonneur, de laisser échapper la moindre plainte ou de demander grâce. Enfin on les encourageait à la ruse et à l’espionnage. Lorsqu’ils volaient des aliments sans que l’on s’en aperçût, on leur décernait des éloges ; on ne les châtiait que s’ils se laissaient prendre. Pendant deux ans, on les chargeait d’une surveillance occulte sur les habitants de la Laconie ; peut-être leur confiait-on la mission spéciale d’espionner les Hilotes, afin de prévenir tout soulèvement. Si l’Etat Spartiate donnait tous ses soins au développement des forces physiques et à l’instruction militaire, il ne se préoccupait pour ainsi dire nullement de la culture intellectuelle. Il était rare qu’un Spartiate sût lire et écrire. Seule la musique avait sa place marquée dans l’éducation publique, mais elle y était admise, moins comme une récréation artistique que pour sa valeur morale et comme un moyen d’habituer l’oreille à la cadence. Les jeunes filles recevaient une éducation inspirée par les mêmes idées ; la gymnastique et la musique y jouaient le rôle principal.

A trente ans, le Spartiate avait terminé son éducation ;