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SUISSE

de glaciers. Mais autour d’elle rayonnent les plus grands fleuves de l’Europe, le Rhône, le Khin, le Danube, le Pô, dont les vallées la relient aux extrémités orientales et occidentales de notre continent. Aussi dés que son sol fut libre et son climat supportable, des tribus humaines y ont pénétré. Dans la vallée du Khin, cant. de Schaffhouse, non loin de la station célèbre de Schussenried, on a découvert celle non moins célèbre de Thayngen. Une grotte de cette localité a été occupée par une de ces tribus artistes de l’époque magdalénienne, car ony a récolté de superbes gravures de cheval, de renne en particulier. Dans le même canton, deuxautres grottes au moins, celles de Frauenthal et du Schweizersbild, ont été habitées à la même époque. Celle de Schweizersbild a fourni plusieurs objets ornés de gravures d’animaux. Du coté de Bàle, on en a découvert deux autres encore qui renfermaient la même industrie ; mais déjà le renne est rare ou remplacé par le cerf. D’autres tribus ont pénétré en Suisse par la vallée du Rhône. Quelques-unes de leurs stations ont été découvertes dans le bassin du lac de Genève. Ce mouvement de pénétration s’est sûrement opéré d’ailleurs vers la fin du quaternaire, alors que le renne fuyait déjà nos contrées. 11 y a eu ensuite une période de transformation climatérique pendant laquelle la Suisse a été peu ou point habitée. Elle est représentée géologiquement par l’épais dépôt de coquilles d’eau douce appelé blanc fond, dépôt stérile du fond des lacs qui s’intercale entre les couches à faune quaternaire et les formations tourbeuses. Dans la grotte citée plus haut de Schweizersbild se trouvait au-dessous de l’humus une couche archéologique renfermant 6.000 silex, "270 os ouvrés et 12 haches polies, avec restes d’animaux domestiques et poteries. Elle était séparée de la couche magdalénienne sous-jacente par une brèche stérile de 80 centim. d’épaisseur. Immédiatement après, se présente l’époque des lacustres (V. ce mot). Les plus anciennes habitations lacustres appartiennent à la Suisse orientale. Elles sont groupées en particulier sur le lac de Constance, seul lac ou elles dominent exclusivement. Et cela indique bien que si des tribus quaternaires ont pénétré en Suisse en remontant les vallées du Rhône, les premières tribus néolithiques sont arrivées par la vallée du Danube. Elles ont introduit la domestication de quelques animaux ou des animaux mêmes, quelques plantes cultivées (froment, lin, etc.), et l’usage de lapierre polie. Et nous savons d’ailleurs par quelques crânes recueillis qu’elles se composaient surtout de ces asiatiques brachycéphales dont nous constatons en Gaulemême l’arrivée par le Nord-Est dès le début de la civilisation néolithique. Ils sont à front étroit, assez petits, mais d’une charpente rude et vigoureuse. Leur outillage est encore grossier, leurs haches petites, en roche du pays, leurs poteries épaisses et sans ornements. Pendant que cette industrie se développe et se perfectionne, ils se mêlent aux grands blonds dolichocéphales indigènes du N. de l’Europe que nous voyons refluer à la même époque sur la Gaule elle-même. Le crâne de ceux-ci est allongé et haut ; leur visage ovale, leur nez communément étroit, leurs orbites basses. C’est surtout dans des tombeaux en forme de caisse ou cistes de pierre qu’on a trouvé leurs restes (les dolmens sont très rares et l’on ne connaît qu’une ou deux grottes sépulcrales). Ces tombeaux sont identiques par leur construction et leur mobilier à ceux du N.-N.-E. de l’Europe (La Souche blonde en Europe, fans Bullet. Soc. an</», 1898, p. 477, et Schenk, Bullel. de la Société vaudoise des sciences naturelles). Mais on en a trouvé aussi dans les palafittes. Parmi les objets récoltés dans leurs sépultures et leurs villages se trouvent des perles d’ambre de la Baltique, du jayet, des perles de corail et des coquilles de la Méditerranée. Avec eux s’est constitué un type mixte sous-dolicho et mésaticéphale que les anthropologistes suisses désignent sous le nom de type de Sion. Mais les premiers brachycéphales immigrés, hors de ces mélanges, semblent presque disparaître. Ils sont au moins très rares. Dans des grottes de Schweizersbild et de Herblingen, des tombes de la fin de l’âge de pierre renfermant des restes d’enfants dans la moitié des cas semblent avoir appartenu à une population de très petite taille, d’après Kollmann. Dans les stations de la fin du néolithique, avec de nombreuses haches-marteaux perforées, les outils de bois et de corne de cerfs, des haches de néphrite et dejadéite, apparaissent des objets de cuivre (rarement de bronze), lames de poignards, ciseaux, perles, épingles, poinçons obtenus par le martelage. La Suisse a été sans doute peuplée dans toutes ses parties avant la fin de cet âge. Car, parexemple, sur les ’AS palafittes bien déterminées du lac de Genève, 14 appartiennent à la pierre. Mais leplus grand nombre de ces palafittes, et on en a découvert déjà environ 170, ont été élevées et habitées à l’âge du bronze, quelques-unes à l’époque du fer. Et ces villages sont en général beaucoup plus grands, mieux bâtis, plus loin des rives et reliés à celles-ci par des ponts bien plus longs et plus larges. Tout le matériel industriel s’est perfectionné et les habitants sont devenus plus habiles. Les poteries ne sont pas comparables avec celles de la première époque de la pierre. Avec le métal s’introduisent aussi bientôt de nouvelles espèces domestiques, par exemple des chiens plus forts pour la chasse et la garde, le cheval (d’origine orientale) qu’on ne montait sans doute pas auparavant, le bœuf d’où descend la race tachetée actuelle. Sanson considère que cette dernière est originaire de la Bresse, et que le bœuf plus ancien d’où descend la race brune, la plus répandue, est indigène. Malgré ces changements, la population est restée la même. C’est toujours la population dolichocéphale et blonde, au crâne grand et fort, qui prédomine ou semble prédominer. Cependant lorsque la civilisation de l’âge du bronze est à son apogée ou touche même à sa dernière phase, de nouveaux immigrants affluent. Du même type céphalique que les primitifs brachycéphales, et de même origine sans doute, ils en diffèrent pourtant par une conformation bien supérieure. Ce sont des civilisés. Ils appartiennent à notre type celtique caractérisé par un front plus large, une forme globuleuse ou carrée, la chute verticale de l’occiput. Les Suisses le retrouvent dans le type roman rhélique actuel que His et Rùtimeyer (Crania helvetica ; Bàle et Genève, 1864, in-4) ont décrit sous le nom de type de Disentis (Studer et Bannwarth, Crania helvetica antiqua ; Leipzig, 1894). Vers la fin de l’âge du bronze, du moins dans certaines stations, comme la palafitte de Môringen, ces nouveaux brachycéphales contre-balancent les grands blonds indigènes. Et depuis ils semblent s’être régulièrement multipliés au détriment de ceux-ci qu’ils ont absorbés en presque totalité. Pittard a récemment étudié 114 crânes du Haut-Valais dont plusieurs peuvent remonter au delà du xn e siècle {Le Globe, Genève, 1899, Revue de l’Ecole, 1898, et l’Anthropologie : Sur V ethnologie de la Suisse, 1899). Il n’en a pas trouvé 10 de type dolichocéphalique. C’est dire qu’ils sont presque tous brachycéphales. Et bien que, par exemple, la variabilité de certains de leurs caractères comme l’indice orbitaire, la longueur de la face souvent grande, témoigne de la présence du sang des blonds d’autrefois, ils ne diffèrent pas de nos Savoyards. 59 crânes du Valais inférieur où les incursions d’étrangers ont été, au cours de l’histoire, si nombreuses et si fréquentes, où les Burgondes ont longtemps dominé, où se sont établis des Sarrasins, ces 59 crânes ont. donné à Pittard une proportion de brachycéphales de 88 %. Le fond indigène, qui s’est constitué depuis la fin de l’âge du bronze, bien enraciné par la suite dans les hautes vallées, est donc parvenu à submerger tous les apports ethniques venus de l’extérieur jusqu’à nos jours. Mais ce n’est pas d’ailleurs sans perdre certains de ses caractères primitifs. Car dans le Valais même on observe de grandes tailles de 1™, 74 à côté de tailles petites de l m ,55 (moyenne de l m ,63). Et si nous n’avons pas encore de statistique de la couleur des