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CHACUN EST DANSEUR.

— Ce n’est pas que je désire le revoir, au moins ; je l’ai pour jamais banni de ma présence ; qu’il ne s’avise pas de mettre les pieds chez moi, je le chasserais.

Au même instant Irma poussa un cri de joie, et remit à son père la lettre que la colère l’avait empêché de lire.

— De Joseph ? dit Pastourel en essayant de cacher sa joie.

— De votre directeur ; lisez.

Le vieux danseur mit ses lunettes et lut.

Monsieur,

Placé, en vertu d’une délibération des actionnaires, à la tête du Bal d’Idalie, j’ai l’honneur de vous informer que les soirées dansantes de cet établissement recommenceront à partir de demain ; vous êtes en conséquence invité à vous rendre à votre poste aux heures accoutumées. La nouvelle entreprise, désireuse de stimuler le zèle des artistes, paiera l’arriéré à bureau ouvert ; il vous suffira de présenter vos titres au siège de l’administration.

Bagnolet, Directeur.


— Voilà un trait qui fait honneur à l’espèce humaine ; ce Bagnolet est un honnête homme qui mérite de prospérer ; mon archet lui est tout dévoué. Puisse Joseph avoir toujours affaire à des directeurs pareils !

— Vous lui pardonnez donc à ce pauvre Joseph ?

— Je vous dirai cela à mon retour, mes enfants ; je vais voir si la caisse est ouverte ; en attendant remettez dans son étui mon bon vieux violon que tout à l’heure j’ai manqué de briser.

— Soyez tranquille, petit père, nous aurons bien soin de lui, à condition que vous ne reprocherez plus à Fanny,