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PLAIT SA MAROTTE.

de distraction qu’on lui proposait, ce qui valut à la Perse environ trente têtes de plus, sans compter celle du grand visir.

Ce moyen, dû à l’imagination fertile de Scheherazade, consistait à faire entreprendre un voyage au sultan dans le but de découvrir quel était l’homme le plus malheureux de son royaume ; la philanthropie, employée comme passe-temps, n’est pas une invention aussi moderne qu’on pourrait le croire.

Le premier jour de la lune de Cheval, Schahriar se mit en route déguisé en marchand arménien, n’emmenant avec lui que le grand-visir, également travesti en marchand. Vers la treizième heure du jour, qui correspond à celle où l’on dîne, le sultan, dont la marche et le grand air avaient aiguisé l’appétit, proposa à son compagnon de frapper à la première habitation et d’y demander l’hospitalité. Ils se trouvaient en face d’une chaumière d’assez mince apparence, et comme il n’y en avait pas d’autre dans tout le voisinage, ils furent obligés d’y entrer.

Assis sur un banc de bois, entouré d’alambics et de cornues, le maître de la maison s’aperçut à peine de la présence des voyageurs. Il attisait le feu d’un fourneau situé au milieu de la salle, et ne perdait pas de vue le récipient placé au-dessus du feu. Tout à coup les flammes s’éteignirent, un charbon noir remplaça le liquide qui bouillait ; l’homme poussa un grand cri, et se roula par terre en s’arrachant les cheveux.

— Qu’avez-vous, mon ami ? lui demanda Schahriar avec bonté.

— Seigneur marchand, répondit-il, vous voyez le plus