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SON CIERGE.

la queue, mit une plume neuve à son bonnet, endossa sa plus belle robe, et loua un palanquin à l’heure pour aller faire ses visites.

À Pékin, comme à Paris, les candidats à l’académie sont obligés de se présenter individuellement chez chacun de leurs futurs collègues, et de leur déclarer qu’ils sont les seuls dignes de leur choix. Fi-Ki se rendit d’abord chez l’académicien Fank-Hou. C’était un bonze, qui avait publié un recueil d’homélies et d’oraisons funèbres.

— Seigneur, lui dit-il, mon nom ne vous est peut-être pas inconnu. Je suis Fi-Ki, un des rédacteurs habituels de la Revue de Pékin, et je viens solliciter votre suffrage pour être de l’académie.

— Vous voulez remplacer le fameux Hiu-Li, l’homme le plus spirituel de la Chine ?

— Hélas ! j’ai bien peu de droits, je le sens, à un tel honneur ; mais je me consolerai de ma défaite si j’obtiens votre voix. L’éloquence de la chaire est selon moi la plus importante branche de la littérature, et, de l’avis de tout le monde, vous êtes le premier de nos orateurs religieux ; je sais que de soi-disant critiques contestent ce fait ; mais je ferai justice dans la Revue de Pékin de leurs sottes prétentions.

— Quand paraîtra votre article ? demanda Fank-Hou.

— Après l’élection, répondit Fi-Ki ; et il se retira en saluant humblement. Il se fit conduire chez Hang-Hong.

Hang-Hong, autrefois capitaine dans les Tigres de la garde impériale, était l’auteur d’une vingtaine de volumes de poésies fugitives ; il célébrait perpétuellement les jeux, l’amour et les ris, et sablait parfaitement l’opium, qui est le Champagne de la Chine.