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TIRER LE DIABLE

du Vésuve, du vin de Tockay, des pantoufles des îles Marquises, etc…

Le même personnage reparaissait le lendemain, mais entièrement couvert de grelots ; et, pour réparer la perte de nos nippes, il nous apportait un choix unique de déguisements impayables.

Dites vous-même si le diable en personne n’avait pas mis la griffe à nos costumes de carnaval. Quels turbans ! quels casques ! et quelle danse ! La nuit, le bal, l’ivresse ; le quadrille ordinaire était bouleversé par nous de fond en comble ; les autres faisaient la queue du chat ; mais nous, c’était bien la queue du diable.

Proverbe, heureux proverbe ! que d’autres te haïssent ; que d’autres te prennent en mépris ; moi, je dis que, si l’on est homme, il faut savoir te goûter et te comprendre. Je te réhabilite, et je soutiens que, malgré les images de dénuement, et j’ose même dire de débine, que tu réveilles aux yeux du vulgaire, il y a malgré tout en toi quelque chose d’oriental et de délirant, qui suffit bien pour compenser les grandes ou petites misères que tu peux traîner derrière toi. Je te salue donc, ô proverbe ! car tu es de plus le roman pratique, réel, sans faux détours, sans symbole. N’est-ce pas toi qui nous as enseigné que le seul et vrai roman était celui qui, à l’exemple du diable, se laissait prendre par la queue ?

N’est-il pas vrai, mon cher notaire, vous à qui je dédie ce travail sur ce vieux proverbe, à qui nous avons autrefois tant sacrifié ensemble, qu’on ne doit pas, comme on le fait souvent, le regarder d’un mauvais œil, et que, pour ne pas éprouver l’ennui et la satiété au sein de l’abondance,