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ON A SOUVENT BESOIN

quand il eut dépouillé son habit vert, son baudrier et son chapeau à plumes, ses cheveux se trouvèrent si blancs, son dos si voûté, ses jarrets si engourdis, qu’il reconnut lui-même la nécessité de prendre ses Invalides.

Mais quelle fut la douleur de Jacques, lorsqu’à son retour il apprit que Belrose était exilé pour jamais ! Il l’aimait comme un père, et ne put s’empêcher de répandre des larmes lorsqu’il aperçut sous le vestibule un autre chasseur qui portait l’habit, le couteau de chasse, et jusqu’au plumet de Belrose.

Il résolut aussitôt de retrouver celui qu’il regardait comme son bienfaiteur, fût-il au bout du monde. Mais il se passa plusieurs mois avant qu’il pût le rejoindre ; car Belrose, par un reste d’orgueil, tenait à cacher sa destinée jadis si brillante, aujourd’hui si misérable. Jacques, à force d’informations, apprit qu’il habitait une mauvaise chambre garnie située dans le fond de la rue Mouffetard. Il le trouva couché sur un grabat où le retenaient des rhumatismes, un asthme, la goutte et toutes les maladies qui s’attachent à la vieillesse des grands seigneurs et des domestiques de grande maison. Belrose fut attendri jusqu’aux larmes lorsqu’il vit paraître dans sa mansarde Jacques, qui lui sauta au cou dès qu’il l’aperçut.

— Tu ne m’as donc pas oublié ? lui dit l’ex-chasseur ; je vois que j’ai bien fait autrefois de m’attacher à toi ; j’avais deviné ton bon cœur…

Jacques, le voyant dans un dénuement extrême, l’obligea d’accepter tout ce qu’il avait d’argent : le prince l’avait pris en affection, et lui donnait souvent de petites gratifications qu’il mettait de côté avec la scrupuleuse économie