— Justement. À la suite de cette opération, mon ami changea d’air et partit pour Bruxelles.
À quelque temps de là, on me fit voir dans un café un monsieur qui buvait un grog.
— Voyez-vous ce monsieur ? me dit mon interlocuteur.
— Oui.
— Qu’en pensez-vous ?
— Je pense que c’est un monsieur qui a un gros ventre et une redingote marron.
— C’est un grand homme.
— Ah bah !
— Permettez que je vous le présente.
De cette présentation résulta un journal.
— Eh quoi ! de la littérature après de l’industrie ?
— Ce que je n’avais pas trouvé dans le pavé, je voulais le trouver dans le feuilleton. Notre journal fut fondé à la Maison d’Or, un soir d’été. Le lendemain la Foudre se leva sur Paris. Il nous fallait un titre fougueux, incandescent, terrible ; nous voulions porter la flamme de nos convictions dans les ténèbres de l’indifférence, illuminer, aux lueurs de nos principes, les abîmes où la société se plonge. La Foudre fut tout à la fois socialiste, humanitaire, progressive et rénovatrice ; elle sapa les abus et frappa de la cognée du premier-Paris l’arbre séculaire du privilége. Dix hommes d’état rédigeaient la partie politique ; dix de nos plus féconds romanciers versaient leurs élucubrations dans la partie littéraire. C’est la Foudre qui a inventé la question Valaco-Moldave et les romans en vingt-quatre volumes. Le roman est resté à son neuvième tome, et la question à sa cinquième phase.
— La Foudre mourut donc ?
— Elle passa comme un météore ; mais en passant elle laissa des traces brûlantes de sa polémique ; trois paradoxes