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MOUCHE NE S’ATTAQUE.

périence pour ne pas savoir que la colère rend redoutable l’homme le plus timide, et l’exemple récent de l’Angleterre lui montrait qu’un peuple n’est jamais plus à craindre que lorsqu’il est en révolution, parce que les révolutions font toujours surgir des hommes de génie. Pourquoi Yvetot n’aurait-il pas aussi son Cromwell ?

Le duc de Rochefort ne goûta que médiocrement ces raisons, il les fit rejeter par son conseil. L’armée, composée de vingt-quatre hommes, reçut ordre de se mettre en marche. Le duc partit pour en prendre le commandement ; il montrait sur sa route les chaînes dont il comptait charger maître Remy et maître Jean, les deux fauteurs de la rébellion.

On sait assez ce qui advint de cette formidable expédition. L’armée de Rochefort fut battue à plate couture ; lui-même, nouveau Xerxès, ne dut son salut qu’à la fuite.

Eustache iii apprit cette nouvelle en roi, et en subit les conséquences en philosophe. — Je n’attends plus rien des hommes, dit-il, mais tout de la Providence, qui choisit pour auxiliaire le temps.

Le roi d’Yvetot ne se trompait pas. Les partis ne purent parvenir à s’entendre dans son ancien royaume ; chaque jour on regrettait davantage la prospérité passée. Les politiques firent des ouvertures au roi, qui refusa d’accorder l’équilibre entre les pouvoirs, ne voulant pas, disait-il, changer l’antique constitution de l’État ; ce refus rompit les négociations entamées. La situation désespérée des affaires força les politiques à les renouer. Ils renoncèrent au gouvernement constitutionnel, qui devait succéder un siècle et demi plus tard à la monarchie pure et simple, telle qu’on