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COMME LE FRUIT DÉFENDU.

et la musique vocale aurait pour vous des conséquences fâcheuses.

— J’ai chanté autrefois, mais depuis longtemps j’ai mis de côté les cavatines et les duos. Mes instincts me disaient que je serais forcée tôt ou tard de renoncer au chant par raison de santé.

— Avez-vous également renoncé à la peinture ? — Entièrement.

— À merveille. La position courbée que cet art exige fatiguerait votre poitrine, et augmenterait bientôt cette langueur mélancolique où vous êtes habituellement plongée. Vous ne faites jamais d’exercices de corps ?

— Depuis une semaine, je ne quitte pas cette causeuse.

— C’est Hippocrate lui-même qui vous a inspirée ; avec une complexion aussi frêle que la vôtre, vous devez vous interdire tout ce qui vous imposerait du mouvement, de la fatigue. Ainsi, point de danse, point de valse, jamais d’équitation surtout ; suivez mes prescriptions à la lettre, et je puis vous garantir une prompte convalescence.

Le comte de G. prit congé du médecin en lui assurant qu’il n’avait pas à redouter la moindre infraction à son ordonnance, attendu que, par une coïncidence heureuse, elle se trouvait entièrement d’accord avec les goûts de la malade.

Le lendemain de cette consultation, M. de G. fut obligé de quitter Paris pour quelques jours. Il revint plus tôt qu’on n’aurait cru ; et comme il traversait la cour de l’hôtel, il fut étonné d’entendre au premier étage une voix énergique et vibrante qui chantait la grande cavatine de Norma : Cas diva.