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UN BARBIER RASE L’AUTRE.

La Colindrès. — L’honorable alcade a passé la nuit hors de chez lui. Il trompe sa pauvre femme ; cela est certain.

Figaro. — Vraiment !… Une pauvre femme si fidèle !

La Colindrès. — Vous pouvez bien le dire. Et pour qui ?… Sans doute pour quelqu’une de ces nymphes qui vont étaler leurs grâces à la Sauceda, quelqu’une de ces loueuses de lit qu’il est chargé de surveiller.

Figaro. — Mais êtes-vous sûre, au moins, de ce que vous dites là ?

La Colindrès. — Comment voulez-vous que j’en doute ? Qui aurait pu le retenir toute la nuit hors de chez nous ?

Figaro. — Étrange jalousie des femmes !… Et si je vous disais que nous avons passé la nuit ensemble, non pas, comme vous le soupçonnez, chez quelque nymphe ou quelque loueuse en garni, mais chez le corrégidor de Séville, où nous servions l’un et l’autre de témoins ?

La Colindrès. — De témoins ? à quoi ?

Figaro, gravement. — Ceci, Madame, est un secret d’état ;… et je me repens déjà d’en avoir trop dit. Mais croyez-moi, votre mari n’est pas coupable… Qu’avez-vous donc à pâlir et à regarder ainsi du côté de la rue ?

La Colindrès. — Seigneur Figaro, défendez — moi… cachez-moi, seigneur Figaro ! Je suis une femme morte.

(Elle se jette dans l’arrière-boutique.)

(Entre la Chicharona.)

La Chicharona. — Elle est ici ; on m’a dit qu’elle était ici. Par le ciel, ne m’arrêtez pas ! Je veux lui arracher les yeux, lui déchirer le visage ; de ce couteau, je veux la marquer au front.