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À QUELQUE CHOSE MALHEUR EST BON.

J’en étais là de ce monologue, quand j’entendis ma porte s’ouvrir doucement, et je reçus dans mes bras Zéphyrine palpitante.

Avec quel plaisir je la regardais ! Avec quelle anxiété je suivais sur ses traits la trace des émotions que devait faire naître dans son âme une situation si nouvelle ! Je voulus lui prendre la main, elle me repoussa d’un air plein de dignité.

— Monsieur, me dit-elle, ne me faites pas repentir de ma confiance ; je ne suis point ce que vous croyez. Je m’appelle Zéphyrine de Valcour ; mon père, officier supérieur de la garde, mort en juillet….

— Ô Zéphyrine ! m’écriai-je hors de moi-même, mes pressentiments ne m’ont point trompé ; tu n’es pas née saltimbanque ; mais hélas ! quelle distance nous sépare ! Le fatal préjugé de la noblesse…

— Ne m’empêchera pas de vous donner ma main si vous vous en montrez digne. Il faut me soustraire aux persécutions d’un homme qui, après avoir juré à mon père mourant de veiller sur moi, m’exploite indignement, et veut me forcer à épouser son paillasse Cabochard, dit l’incomparable Mexicain.

— Je te sauverai, Zéphyrine, je t’enlèverai à ces misérables. Je vais tout préparer pour notre fuite ; en attendant, cette chambre te servira d’asile ; je t’y laisse sous la sauvegarde de l’honneur et de l’amour.

J’ai oublié de vous dire que mon patron était maire de la ville. Comme j’allais chercher dans mon bureau quelques centaines de francs, fruit de mes économies de jeune homme, il me fit entrer dans son cabinet, et, me mon-