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S’EN VA LA MÉMOIRE.

— Ma chère fille, répondit M. Perrin, il faut savoir se soumettre aux circonstances. Je suis député, et je me dois à mon pays ; ce concert est une affaire. Et puis, ne vous l’ai-je pas dit ? je dois prendre jour avec Son Excellence pour présenter au Roi mon projet d’assainissement.

— Au Roi ! répétèrent les deux femmes ensemble.

— Oui, à Sa Majesté qui a bien voulu me faire féliciter sur l’excellence de mes idées. Nous serons portés, l’an prochain, sur les listes d’invitation aux bals de la cour.

À ces dernières paroles, madame et mademoiselle Perrin tressaillirent.

— Nous irons aux bals de la cour ! s’écria Alphonsine.

— J’en ai la promesse, dit M. Perrin d’un ton parlementaire. Ah ! ce sont de beaux bals ! On y rencontre les gens les plus distingués, ceux parmi lesquels je prétends te choisir un mari, ma fille.

Alphonsine rougit ; mais cette fois elle ne pensait plus à Gustave.

M. Buisson, qui demeurait à l’étage au-dessus, et qui était du dîner Dumolard, vint, sur ces entrefaites, s’informer si la famille Perrin était prête. Il insistait pour entrer.

— Mais c’est une tyrannie ! s’écria M. Perrin ; parce qu’on a bien voulu s’aider de leur concours pour emporter l’élection d’assaut, ces gens-là se croient tout permis. On n’est plus libre chez soi ! Dites à M. Buisson qu’il parte seul ; nous n’irons pas.

Après que M. Buisson se fut éloigné tout étourdi, M. Perrin se tourna vers sa femme et sa fille :

— Allez et hâtez-vous ; l’exactitude est la politesse des députés.