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chacun de ses enfants. Mais c’étaient ceux faits en faveur de Pedro qui l’enorgueillissaient le plus.

Tous les parents, en notre état social, en sont là lorsqu’ils se vantent de l’éducation donnée à leurs enfants. Ils donnent à l’Université des intelligences éveillées, hardies, curieuses de voir et d’apprendre, on se chargera d’étouffer cela. L’opération demande un peu plus de trois mois, mais les résultats n’en seront pas moins complets. On leur rendra des êtres dévirilisés qui, par peur de la lutte, n’auront qu’un objectif : se caser dans quelque fonction où ils n’auront plus à réfléchir, plus à s’inquiéter du lendemain.

Les injustices les plus criantes se perpétreront sous leurs yeux sans qu’ils les voient. Les plaintes des victimes s’élèveront, stridentes, à leurs oreilles sans qu’ils les entendent. L’éducation universitaire aura fait son œuvre en interposant, entre eux et la réalité, le voile des hypocrisies et des conventions, en obscurcissant à jamais, en totalité ou en partie, la lumière de la vérité.

Qui de nous peut se vanter d’avoir conservé la vision intacte ? Notre éducation faussée nous empêche de voir les choses telles qu’elles sont. La pleine lumière nous gène, il nous faut des lunettes, des ombrelles, des rideaux, des volets, des écrans qui nous tamisent la lumière, ne la laissant pénétrer que graduellement, de façon à ne pas fatiguer nos pauvres yeux désaccoutumés du plein soleil.

Que d’idées, que de conceptions nous avons ainsi, en quelques coins de notre cerveau, que nous croyions excellentes, dont nous serions prêtes à soutenir mordicus la justesse !

Mais, lorsque en contradiction avec les fats, nous les analysons, les passons à la critique, nous nous apercevons que nous les tenons nous ne savons pas de qui, les avons prises nous ne savons où, et qu’elles se sont formées dans notre esprit nous ne savons pas comment.

Et combien passent ainsi toute leur existence à ressasser religieusement des idées reçues, sans avoir jamais su les analyser ?