Page:Grave - La Grande Famille.djvu/15

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pour s’emparer de leur gamelle ou la solliciter de la complaisance des cuisiniers.

Au milieu de cette exubérance, réaction forcée du silence et de l’immobilité obligatoire de quatre heures d’exercice, seul un soldat était resté calme, l’air soucieux, un peu triste, sans prendre part aux divertissements de ses camarades.

C’était un jeune homme de vingt ans environ, ou pour être exact, de vingt et un ans puisqu’il faisait partie des dernières recrues. Il était de petite taille, avec d’assez larges épaules ; ses traits tirés, ses yeux caves et cernés, quoique brillants, donnaient à sa physionomie un cachet de souffrance morale.

Après la sonnerie du clairon annonçant la fin de l’exercice, il avait couru, comme les autres, du côté de la chambrée ; arrivé à son lit, il s’était débarrassé de tout son fourniment et après avoir placé son fusil au râtelier d’armes, il s’était assis songeur, les bras croisés, au bord du lit, totalement étranger à ce qui se passait autour de lui.

— Eh ! dis donc, Caragut, fit un de ses voisins, allant vers lui, qu’est-ce que t’as donc qui ne va pas ? Tu nous fais une mine à porter le diable en terre. Il faut te secouer, mon vieux. Est-