Page:Grave - La Grande Famille.djvu/169

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sieurs minutes sans bouger, les bras fléchis et éloignés du corps, surtout quand, par excès d’amabilités, l’agréable tortionnaire a eu soin de vous faire mettre baïonnette au canon, cela devient une douleur atroce.

Petit à petit, les bras se détendent, le canon du fusil s’abaisse, inclinant à droite ou à gauche, la main crispée imprime à l’arme de plus en plus lourde, des oscillations qui la font vaciller pendant que le cerveau travaille : on se demande parfois si on ne ferait pas mieux d’envoyer l’arme au travers du corps du tourmenteur qui vous engueule et vous secoue brutalement parce que votre fusil n’est plus à la position réglementaire, fait rectifier le port de l’arme pour prolonger la durée du mouvement et ne se décide à commander le suivant que lorsque les armes vacillent sur toute la ligne.

Et comme cela dure deux heures le dimanche, le poids de l’arme et la fatigue ont vite raison de la symétrie et de l’alignement. C’est alors qu’engueulades et menaces de punitions pleuvent dru comme grêle et qu’il n’est pas rare de revenir du peloton de punition avec deux ou quatre[1] jours de supplément, le bourreau étant toujours satisfait

  1. À part les chiffres sept et quinze, on a, au régiment, pour la distribution des punitions, une prédilection pour les chiffres pairs.