Page:Grave - La Grande Famille.djvu/286

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des prisonniers sous l’œil de la chiourme. Les soldats, immobiles, l’arme au pied, baïonnette au canon, achevaient de donner cette illusion. Du temps du bagne, la rentrée des forçats ne devait pas se passer autrement.

Les ouvriers défilaient sans paraître affectés de ce qu’avait d’humiliant cette fouille sous l’égide des baïonnettes ; ils attendaient leur tour de sortie ; en causant de leurs affaires, quelques-uns allant au devant de la fouille, en ouvrant leur bissac ou leur boîte, tout en plaisantant entre eux.

Ils ne semblaient pas comprendre à la vue de ce poste armé, qu’ils n’étaient que des esclaves, sous le joug de maîtres impitoyables, et que ces armes, qui semblaient n’être sorties que pour la forme, n’hésiteraient pas à se planter dans leur peau, le jour où ils tenteraient de se soustraire à la servitude.

Mais, loin de nourrir des pensées de révolte, ces bons Brestois trouvaient tout naturel d’être ainsi commandés par des gardes chiourme galonnés ; l’habitude du reste ayant émoussé leur sensibilité si elle avait pu être chatouillée dans les débuts ; tout cela leur semblait absolument naturel. Et, sans doute, Caragut les aurait fort étonnés, s’il leur eût fait part des impressions qu’il en ressentait.

Et puis, s’il trouvait choquant cet appareil mili-