Page:Grave - La Société future.djvu/161

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qu’il reconnaissait comme chefs, cela n’implique nullement progrès, mais, au contraire, sinon régression complète, tout au moins entraves et retards apportés au progrès ; puisque, à dater du jour où il y eut des chefs, une partie des forces dut être employée à maintenir leur autorité, pendant qu’une autre partie la combattait ou était annihilée de par le fait de leur existence. Autant d’efforts perdus qu’il aurait mieux valu tourner contre les influences néfastes du milieu.

Parce que de plus forts et de plus habiles surent faire tourner, à leur profit exclusif, ces premiers rudiments d’association au détriment du bien-être de la plus grande partie des associés, cela ne veut pas dire que cette exploitation en soit plus légitime.

Si ces essais ont, dès le début, pris une fausse route, s’ensuit-il qu’il doit continuer à en être ainsi ? Si nos ancêtres ont été assez naïfs pour accepter le joug que des exploiteurs de l’époque ont su leur imposer, ou trop faibles pour y résister, faut-il que leurs descendants qui, aujourd’hui comprennent leurs droits, ont conscience de leur force, continuent à se laisser écraser ?

La théorie serait trop commode. Même dans les sociétés animales que l’on a voulu nous donner en exemple pour justifier l’emploi de l’autorité, a-t-on jamais vu les individus accepter de travailler pour un chef, lui obéir quels que fussent ses caprices, consentir à se priver et ne pas manger à leur faim alors que lui consommerait et gaspillerait le produit du travail de toute la bande ?

Assurément non. Chez les abeilles et les fourmis dont les sociétés sont les plus comparables aux associations humaines, nous l’avons déjà vu, dans un