Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/14

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Mahon qui avait dû se soumettre et se démettre, c’est étonnant ce que les généraux aiment les phrases à effet, dont ils ne pensent pas un mot. Après le triomphe des 363, il fallait bien que ceux-ci fissent quelque chose, ils votèrent une loi d’amnistie d’où furent exclus tous ceux qui, pour leur participation à la Commune, avaient été condamnés pour délits de droit commun. C’est-à-dire, des délits politiques que les conseils de guerre, dans leur arbitraire, avaient qualifié d’assassinats, de vols, d’incendies, etc…

Cette loi écœura l’opinion publique, et ceux des déportés qui étaient amnistiés furent les premiers à protester. Mais la trouée était faite. On fut bien forcé de l’étendre par la suite.

En mai, Blanqui, quoique inéligible, fut nommé par Bordeaux.

Les républicains bourgeois avaient constitué un « Comité de secours aux amnistiés », dont Louis Blanc avait eu le cynisme d’accepter la présidence.

Nous trouvâmes qu’il était par trop impudent de forcer les amnistiés à aller demander des « secours » à celui qui, pendant la lutte, avait coopéré avec leurs fusilleurs. Nous organisâmes un « Comité d’aide aux amnistiés » composé de travailleurs, dont je fis partie.

Évidemment, nous n’étions pas de force à rivaliser avec le comité bourgeois. Je ne me rappelle plus le total des sommes récoltées, mais si cela monta à un ou deux milliers de francs, ce fut le bout du monde. Une goutte d’eau pour les détresses à secourir. Il y eut, cependant, un certain nombre d’amnistiés qui préférèrent s’adresser au comité de prolétaires qu’au comité bourgeois, malgré la modicité des allocations qu’il nous était possible de délivrer.

Il faut avouer, du reste, que la plupart des amnistiés ne comprenaient pas grand chose à ces distinctions. La plupart prenaient pour argent comptant, d’où qu’elles vinssent, les marques d’intérêt qu’on leur témoignait, ou que l’on faisait semblant d’éprouver. Ils étaient plutôt dépaysés au milieu des différences d’écoles. Au fond, plus près du radicalisme que du socialisme, ils en étaient restés au vague des idées pour lesquelles ils s’étaient battus. Chose assez naturelle, du reste. Ce n’est pas au bagne que les idées peuvent évoluer.