Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/173

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Compression du crâne à l’aide de cordes mouillées, torsion des testicules, régime de poissons salés, sans rien à boire. Après quelque temps de cette alimentation, on les amenait devant le juge d’instruction qui leur faisait miroiter des carafes d’eau fraîche et limpide s’ils voulaient avouer. D’autres fois on en menait en pleine mer où on les plongeait jusqu’à suffocation. Enfin toutes les horreurs que pouvait inventer l’esprit le plus sadique, digne de ce pays d’inquisition.

J’en commençai aussitôt la publication. Cela prit pas mal de numéros. Séverine fit des articles là-dessus. Peu à peu la presse bourgeoise s’en occupa. Rochefort mena une véritable campagne. La plupart, sauf Séverine, se gardèrent bien de citer les Temps Nouveaux qui avaient été les premiers à s’occuper de l’affaire, où ils avaient puisé leurs renseignements.

Il est vrai que cela avait peu d’importance. L’essentiel était que la campagne fût menée. Elle le fut si bien que le gouvernement espagnol se vit forcé de relâcher ses prisonniers dont quelques-uns restèrent estropiés par suite des tortures subies.

J’avais pris Girard pour m’aider. À nous deux nous faisions ce que nous pouvions.

Malgré la défection des littérateurs, les articles intéressants ne nous manquèrent pas. Il en venait de tous les côtés. Nous eûmes les collaborateurs les plus inattendus. Quelques-uns ont fait leur chemin depuis. Tel Métin qui devint ministre du travail. Un autre chef de cabinet d’un ministre de la guerre, et d’autres de moindre importance.

Dans une discussion que j’eus, plus tard, avec Georges Valois, celui-ci m’écrivit qu’il avait, autrefois, collaboré aux Temps Nouveaux. Sous quel nom ? c’est ce qu’il n’indiquait pas. Valois ne me disait rien. Depuis j’ai appris son vrai nom, mais s’il fut anarchiste, il n’a certainement pas collaboré aux Temps Nouveaux.

Un jour, ce fut un capitaine d’infanterie qui vint au bureau. Il était le seul lecteur des Temps Nouveaux dans la petite ville de province où il était en garnison. Fils d’un colonel, son éducation avait été dirigée pour en faire un