Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/174

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soldat. Il s’était laissé embarquer dans la galère. Mais le dégoût du métier lui étant venu, il avait demandé un congé illimité pour tâcher de se faire une situation dans le civil, sans y réussir. Ayant une famille à soutenir, — il ne pouvait se marier avec la femme avec laquelle il vivait faute de pouvoir produire la dot exigée par les règlements — il avait dû, bien à contre-cœur, réendosser le harnais. Il se rendait à la Présidence où il connaissait le chef de la maison militaire.

Il nous envoya une série d’articles sur l’armée sous le nom de Marcel Suzach. Puis je n’entendis plus parler de lui.

Un autre jour, ce fut un lieutenant de l’administration, lui aussi dégoûté du métier. Alléché par la promesse du galon, il avait fait la bêtise de rengager. Il n’avait plus qu’un désir, en sortir. Lui aussi, je le perdis de vue.

Nous avions des lecteurs et abonnés un peu partout. Dans les coins les plus inattendus. Des gouvernements de l’Amérique du Sud et Centrale nous faisaient l’échange de leur « Journal Officiel ». Un ministre de l’instruction publique du Guatemala nous écrivit pour qu’on lui indiquât quelques bonnes brochures anticléricales.

Des brochures anticléricales ! ça manquait dans notre rayon, mais je lui indiquai une foule d’ouvrages où il pourrait faire une ample moisson de textes capables de faire de bonnes brochures de propagande anticléricale. J’ignore ce qu’il en advint.

Il m’a été raconté que Malatesta, lorsqu’il visita la Terre de Feu, aperçut, dans la première cabane où il entra, un numéro du Révolté.

Mon rêve aurait été d’avoir dans chaque pays un correspondant capable de nous tenir au courant du mouvement social de sa région. Nous avions bien les journaux que nous recevions en échange, desquels on pouvait tirer des renseignements. Il en était usé chaque fois qu’il se trouvait quelque camarade pour se charger de la besogne. Mais, pour moi, cela ne valait pas les renseignements reçus directement de quelqu’un se trouvant sur place.