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que, sur l’initiative de Malvy, le gouvernement avait renoncé à faire des arrestations préventives.

Cela s’annonçait mieux, mais il fallait voir. Je me rendis chez le camarade qui avait mené la campagne de la « Mano Negra » et qui, depuis, avait trouvé un emploi à la Chambre ; il alla, le premier, voir autour du bureau du journal si rien de suspect ne s’y révélait. Aucune visite insolite n’y avait été faite. Je m’y rendis à mon tour et, peu après, arrivèrent quelques-uns des camarades qui avaient l’habitude d’y venir le dimanche.

Afin d’être plus sûr encore, le camarade téléphona à un des manitous de la Chambre, à même de savoir ce qui se trafiquait en haut lieu ; la réponse fut : « Nous n’em… nuierons personne si on ne nous em…nuie pas ».

Ayant déjeuné chez le camarade, je filai à Robinson rassurer ma femme.

De ce côté, cela allait assez bien, mais, avec la mobilisation, nous allions perdre la plus grande partie de nos lecteurs. Les difficultés pécuniaires que j’avais tant de peine à surmonter allaient, tout simplement, devenir tout à fait insurmontables. D’autre part, avec la censure que l’on venait d’établir, il ne serait plus permis de dire que ce que les autorités voudraient bien laisser passer. Il ne fallait pas penser pouvoir continuer la publication des Temps Nouveaux dans ces conditions.

Pour ne pas disparaître sans rien dire, je fis imprimer une simple feuille où je développai ma note du numéro précédent. Mais sans grand espoir que la censure laisserait passer. À ma grande stupéfaction, le visa fut donné sans la moindre rature. Les Temps Nouveaux avaient vécu.

Tout le mois d’août se passa dans l’anxiété et l’attente. Par l’un ou par l’autre, on apprenait les nouvelles que le gouvernement tentait de cacher. On savait que les Allemands avançaient continuellement alors que les dépêches du gouvernement les disaient bien plus loin qu’ils n’étaient effectivement.

Pendant tout le mois d’août il me rentra 1 fr. 50 de l’abonnement d’un camarade qui n’avait pas hésité à le renouveler.