Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/269

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commerçants, leur personnel, ne réquisitionnait-on pas le contenu de leurs magasins pour que la vente en fut faite au compte du pays ?

On aurait eu sous la main des stocks de vivres, on aurait vu ce qui était en quantité suffisante, ce qui manquait, on aurait pu organiser le ravitaillement de la population, écarter la plus grande quantité possible d’intermédiaires et empêcher la spéculation.

Pour réussir dans cette tâche, il aurait fallu, évidemment, opérer de même pour le commerce de gros. Cela, sûrement, aurait fait sauter « d’indignation » ceux qui, déjà, envisageaient la fortune qu’il allait être possible de réaliser par suite des événements qui faisaient le malheur du plus grand nombre. Mais quand les trois quarts de la population virile sont appelés à risquer leur vie pour la défense commune, les criailleries des requins, se plaignant de ne pouvoir spéculer sur le malheur commun, ne comptent pas. D’autant plus que, s’ils avaient voulu aller trop loin, une demi-douzaine d’ « exemples bien sentis » auraient vite fait taire le reste.

De plus, n’avait-on pas le personnel des coopératives de consommation, leur organisation de gros, pour aider à la mise en marche de cette entreprise ?

Il y avait la fabrication des armes, des munitions, de tout l’outillage de guerre, dont on allait faire une consommation immense. Est-ce que toutes les usines n’auraient pas du être réquisitionnées, et mises sous le contrôle de l’État, au lieu de fournir des bénéfices énormes à leurs propriétaires ? Encore une fois, c’était une honte que ce qui avait trait à la défense commune fut prétexte à bénéfices pour certains particuliers, alors que la partie la plus saine de la population était appelée à payer de sa peau.

Les travailleurs donnaient, dans cette occasion, tout ce qu’ils possédaient : leur vie, pour la défense commune, laissant dans la misère femmes et enfants, — car les trente sous d’allocation pour la femme et les quinze sous par enfant ne pouvaient suppléer la paie du père — chacun devait donner en proportion de ses moyens.

« Des privilégiés donnaient aussi leur vie ». D’aucuns, c’est entendu. — Il n’y avait pas d’ « embuscade » pour tous — D’aucuns jouaient le jeu. Mais leurs femmes et