Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/284

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vu de jugeotte pour s’imaginer que, déchaînée, on allait pouvoir l’arrêter.

Et, lorsque de l’issue de cette lutte dépendait l’avenir de l’humanité entière, il n’était pas indifférent de s’inquiéter de quel côté serait le vainqueur.

Butés, les « gardiens des principes » ne voulurent s’embarrasser d’aucune de ces raisons. De là cette scission qui devait être si fatale au mouvement anarchiste tout entier.

Nous nous étions trop isolés de la foule, Nous payâmes pour cela. Si la leçon pouvait profiter…

Le camarade Wintsch, de Lausanne, ayant eu l’idée de publier un journal, La Libre Fédération, où il se proposait de défendre notre point de vue, me proposa d’y collaborer. J’acceptai aussitôt. Je lui fis envoyer les adresses des abonnés des Temps Nouveaux. Grâce à ses efforts, le journal vécut près de deux ans et demi.

Jusque-là, Girard s’était employé à faire parvenir à leur adresse toutes les lettres que je lui envoyais en vue de susciter un groupement semblable à celui du « Contrôle Démocratique ». Mais voyant que ça restait sans effet, il m’écrivit que, puisqu’il ne résultait rien de mes efforts, il voulait — lui et d’autres camarades — tenter quelque chose d’autre. Il m’envoyait un projet de manifeste qu’ils avaient élaboré.

C’était à peu de choses près, mais affaibli, ce que je disais dans mes lettres. Mais, ce que l’on y sentait surtout, c’était un affaissement d’hommes qui plient sous l’horreur de la situation, et veulent en sortir n’importe comment. Ce n’était pas le ton d’hommes décidés à marcher vers un but voulu, précis.

Je leur en fis la remarque. Ils me dirent que je ne les avais pas compris, que je dénaturais leur pensée. Ce que je sais bien, c’est que si ces sentiments n’y étaient pas nettement exprimés, c’était bien ce qui s’en dégageait à la lecture, l’impression qu’elle me laissa.

Ne voulant pas, sur une simple impression, les décourager, je leur écrivis — Girard était leur porte-parole —