Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/287

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mes lettres. Je n’avais rien à cacher. Mais la moindre loyauté aurait exigé qu’ils m’en avertissent. Ce qu’ils se gardèrent bien de faire. Bien mieux, il ne m’envoyèrent même pas un exemplaire de la brochure. Pour des camarades de lutte, liés comme nous l’avions été, je trouvais cela plutôt indélicat.

Pour donner plus de poids à leurs déclarations, quelques-uns des signataires de ladite brochure s’intitulaient : « rédacteur aux Temps Nouveaux », alors qu’ils y avaient passé simplement quelques articles, sans avoir jamais rien eu à voir dans la direction du journal.

Étant donné les divergences de vue que nous avions sur la situation, il me semblait que nous nous devions de le déclarer publiquement. Non pas seulement dans nos articles, mais par une déclaration spéciale adressée à nos camarades.

Cela me trottait par la tête depuis quelque temps, mais jamais je n’avais pu décider Kropotkine à adhérer à mon point de vue. Son objection était que, « trop vieux pour aller combattre, il ne nous convenait pas d’avoir l’air d’y pousser les autres ».

Étant allé, avec ma femme passer quelques semaines à Brighton, près de lui, nous eûmes nombre de discussions là-dessus. Je lui faisais observer que si, de ce que nous dirions, il ressortait implicitement qu’il fallait prendre part à la lutte, cela nous ne pouvions l’empêcher. Mais, ce qu’il s’agissait d’affirmer, c’était le danger d’une tentative d’hégémonie allemande, le danger pour l’évolution humaine du triomphe du militarisme allemand, et rien de plus. Que ce n’était pas parce que nous avions passé l’âge de combattre que cela devait nous ôter le droit de libérer notre conscience, nous priver de dire ce que nous pensions.

À la fin, il fut ébranlé. Il fut convenu que, sitôt retourné à Clifton, je lui enverrais un projet de manifeste. Ce que je fis, il en rejeta une partie qu’il remplaça et il fut convenu que j’en taperais des exemplaires qui seraient envoyés à différents camarades pour leur demander de