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EN RACONTANT

cault, qu’il faut rentrer à bras dans la cabane. Grâce cependant au dévouement de ces deux hommes, une ration de trois onces de colle vint alors rompre ce jeûne de trois jours, mais elle fut mangée avec tant d’avidité que tous faillirent en mourir. Encouragés par l’exemple de Basile et de Foucault, Léger, Furst et P. Crespel courent au bois pour remporter quelques fagots. Dès huit heures du soir cette maigre provision était déjà consumée, et le froid fut si intense cette nuit-là, que le sieur Vaillant père fut trouvé mort sur son lit de branche de sapin. Il fallut songer à changer de cabane et à déblayer celle du P. Crespel : elle était plus petite et pouvait être plus facilement chauffée. On ne peut imaginer rien de plus navrant que le sombre défilé qui se fit alors, les moins éclopés portant sur leurs épaules MM. de Senneville et Vaillant fils qui tombaient par morceaux, pendant que Le Vasseur, Basile et Foucault, ayant les extrémités gelées, se traînaient sur leurs coudes et sur leurs genoux.

« Le 17 mars, la mort vint mettre un terme aux souffrances de Basile, et le 19 Foucault, qui était jeune et d’une grande force musculaire, s’éteignit après une agonie terrible. Les plaies de ces malheureux ne pouvaient être pansées qu’avec de l’urine, et des lambeaux de vêtements arrachés aux morts servaient de charpie aux vivants. Douze