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EN FLORIDE

dans ce marais asséché, où ils s’étaient nourris de goujons, tous réunis dans la dernière mare d’à peu près douze pieds carrés. Cette petite mare était un reliquat du marais après l’évaporation de ses eaux, durant les journées de grande chaleur que nous avions eues récemment. Nous couvrîmes notre caïman de palmes pour la nuit, et, le lendemain, mon homme l’écorcha jusqu’à la tête, puis le transporta à notre demeure, à une distance d’environ trois milles. Je passai deux jours occupé à la conservation de la tête et de la peau, que j’empaquetai soigneusement plus tard, et apportai avec moi à Québec, où l’on peut le voir rempli de bran de scie et la tête trouée rapiécée avec du mastic noirci.

Nous allâmes visiter Port Orange, hameau situé sur la rivière Halifax, donnant naissance à la rivière des Sauvages, qui est plutôt une lagune d’eau salée, n’étant séparée de l’Atlantique que par une lisière de sable de trois arpents de large environ. La rivière Halifax a une largeur moyenne d’un mille ; elle couvre plusieurs bas-fonds d’huîtres, qui, à marée basse, apparaissent comme autant d’îlots arides et presque au ras de l’eau. Nous remarquâmes des arbres sur une île seulement et formant le rendez-vous de centaines de pélicans, de grues et de hérons. Les eaux de la rivière fournissent le muge ou mulet, le poisson rouge, le merlan, le pompano et plusieurs autres espèces de poissons,