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EN RACONTANT

petite caravane débouche sur la mer, et comme c’était la route la plus courte, on se décide à la prendre. Mais ici s’élève une nouvelle difficulté. Le canot ne peut contenir que trois personnes, et l’indien a désigné pour l’accompagner son enfant et le P. Crespel qui s’embarque au milieu des lamentations de ses camarades, à qui, cependant, il réussit à arracher le serment de suivre le rivage dans la direction prise par l’embarcation.

« Le soir de ce jour-là, l’indien proposa au père de descendre à terre pour y faire du feu, et ce dernier y consentit avec d’autant plus de plaisir que la bise était mordante ; mais étant monté sur un monticule de glace pour examiner les alentours, le sauvage profita de ce que le père avait le dos tourné, pour gagner le bois avec son enfant.

« La mort seule pouvait maintenant mettre fin à cette série de catastrophes. Abandonné de tous, le P. Crespel s’appuya sur le canon de son fusil, remit ses peines entre les mains de Dieu et récita les versets du livre de Job. Pendant qu’il priait ainsi, il fut rejoint par Léger. Avec des larmes dans la voix, ce dernier lui annonça que son camarade Furst était tombé d’épuisement à une distance considérable de là, et qu’il avait été obligé de le laisser sur la neige.

« En ce moment, un coup de fusil retentit. La forêt s’ouvrait à quelques pas de là : Léger, que le