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EN RACONTANT

ne se retournât de leur côté, et d’un coup de son énorme queue, ne les lançât dans l’éternité.[1]

« Ma présence sembla leur inspirer de la confiance. Tous les yeux se portèrent vers moi, comme pour m’inviter à me mettre à leur tête, et battre la marche, mais je vous assure que cette idée-là ne me souriait guère. Enfin, après que chacun se fût tour-à-tour traité de poltron, (et je vis bien par leur regards qu’ils en pensaient autant de moi,) un nommé Baptiste, faisant preuve de plus de courage que les autres, s’offrit pour aller en avant, si tous voulaient le suivre, et se tenir tout près de lui. Tout le monde consentit à cet arrangement, et nous partîmes à la file indienne, Baptiste en tête, armé d’une gaffe et d’une perche. Lorsque nous fûmes arrivés à une certaine distance, Baptiste s’arrêta soudain, bien décidé à ne pas faire un pas de plus ; mais les railleries que nous lui adressâmes sur sa vantardise de nous conduire jusqu’à la baleine le piquant au vif, d’un bond il s’élança vers le monstre, qu’il darda d’un coup de gaffe, et reprit sa course vers nous où il s’arrêta hors d’haleine.

« Pas un muscle de la baleine n’avait remué. Ceci eut pour effet d’enhardir Baptiste qui répéta le même jeu avec le même résultat.

  1. En avril 1863, une baleine, ayant échoué sur la plage île Dunkerque, dans les derniers débats de son agonie, faisait voler le sable à plus de 300 pieds de distance.