Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T1.djvu/108

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Présents en tous lieux, les ménestrels chantaient les exploits guerriers, les miracles, les aventures d’amour, les plaisirs de la vie et de la société ou les charmes de la solitude et du cloître. Ils figuraient dans les processions[1], on les rencontrait mêlés à des bandes de pèlerins ou accompagnant une troupe de croisés partant pour la Terre Sainte[2]. On les récompensait par des dons en argent, en chevaux, en habits et en fourrures. Les seigneurs quittaient souvent leur robe pour la donner au ménestrier qui les avait amusés, et celui-ci se faisait un honneur de la porter dans les grandes occasions, pour inviter celui qui l’écoutait à ne pas être moins généreux que les autres[3].

Les ménétriers rapportaient dans leurs compositions les traits de magnificence dont ils avaient été témoins, ou bien ils en attribuaient aux héros dont ils chantaient les exploits :

Anchois i ot joie moult grant
Que font li petit et li grant.
Cil jongléour de plusiors terres[4]
Cantent et sonent lor vièles,
Muses, harpes et orcanons
Timpanes et salterions

  1. Un antique cérémonial d’une église de Toulouse parle de pécheurs (piscatores) qui avaient amené des ménestrels dans une fête célébrée en l’honneur de la Sainte-Croix. (Voyez Du Fresne, Gloss., v° Rex Ministellorum.) Le concile de Nyon de l’an 1334 défendit les processions faites par les jongleurs.
  2. Saint Louis était accompagné, aux Croisades, par des chanteurs et des trouvères. Lorsqu’il s’embarqua le 25 août 1248 à Aiguesmortes : « Quand les clercs et les trouvères furent entrés dans la nef, dit Joinville, le maître nautonnier cria : Chantez, de par Dieu ! et ils entonnèrent tous à une voix : Veni creator spiritus. » Plus tard, lorsqu’il se rendit en pèlerinage à Nazareth : « Il fit, dit Xangis, chanter la messe et solennellement glorieuses vespres et matines, et tout le service à chant et à déchant, à ogre et à treble avec orgue et instruments à cordes). »
  3. Au xve siècle, l’usage de se dépouiller et de donner son habit subsistait encore : « La royne estant accouchée d’ung filz, le 4 février 1435, li roy (Charles VII) despécha le hyrault, qui avoit nom Constance, pour en mander la novelle au duc de Bourgogne : de laquelle novelle icelui duc témoigna d’estre fort joyeulx, et bailla au dict hyrault cent riders d’or et la belle robe brodée dont il étoit vestu. » Jehan Chartier, Grandes chroniques de France.
  4. Il y a sans doute une faute du copiste dans le manuscrit, car deux vers ne riment pas ensemble.