Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T1.djvu/182

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auprès du charnier, fut probablement suggérée par la coutume, très répandue pendant le Moyen Âge, de pratiquer des jeux et des divertissements après les saints offices autour des églises, dans le lieu même qui servait d’asile aux morts. C’est là que les pèlerins récitaient des cantiques et des légendes, que les trouvères et les ménestrels fablaient et chantaient, que les jongleurs faisaient leurs tours d’adresse, que les marchands vendaient mille babioles, et que la jeunesse des deux sexes tenait de doux propos et dansait. Cette coutume ne fut, à la vérité, qu’une tolérance de la part du clergé, qui s’y opposa formellement toutes les fois qu’elle occasionna des abus et devint un sujet de scandale. Le Manuel du péché, composé, à ce que l’on croit, au xiiie siècle, par l’évêque Grosthead, et cité par Douce, proteste contre cet usage dans les vers que voici :

Karoles ne lutes ne deit nul fere
En seint église, ki me voit crere ;
Kas en cimetière Karoler
Utrage est grand u lutter.

« Mais la force de l’habitude l’emporta sur les exhortations et les remontrances. Ce fut en vain que l’autorité ecclésiastique essaya, par des mesures plus rigoureuses et par des défenses réitérées, d’abolir cet usage, qui, loin de s’affaiblir, se perpétua de siècle en siècle[1]. »

Kastner ajoute, dans un renvoi, que le concile d’Exeter, tenu en Angleterre en 1287, ordonne aux curés de ne point souffrir, dans les cimetières, l’exercice de la lutte, des danses et autres jeux, surtout pendant la célébration des veilles ou des fêtes des saints ; que l’assemblée du clergé de France, tenue à Melun en 1579, défend les spectacles comiques et renouvelle l’ordonnance des anciens conciles de ne point jouer des comédies et de ne point danser dans les cimetières, et que le rituel de Cahors, donné en 1604

  1. Les danses des Morts, p. 141. G. Kastner.