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LE CHOC SAUVEUR

— Il n’en a pas tenu à moi, ma pauvre Maud, répondit Jules, que le chagrin de sa femme peinait sincèrement. Mais hier, vous savez, William était ici ; il nous a pris notre soirée. Puis, vous vous rappelez notre discussion à table. Vous me connaissez, Maud ; je crois avoir la générosité susceptible du gentilhomme ; on ne la provoque pas impunément. Je vous confesse loyalement la vérité : hier soir, j’hésitais encore, beaucoup même à poser ma candidature. Mais devant la déclaration de guerre de Duffin à mes compatriotes, j’aurais cru manquer à l’honneur de mon sang, si je n’avais relevé le défi avec éclat.

Ces dernières paroles ramenèrent soudain un peu de rougeur à la figure de Madame. Son mari venait de la ramener à la réalité douloureuse, à ce changement d’état d’âme qui les séparait irrévocablement. La voix de Maud se raffermit ; ses yeux, ses lèvres prirent un air de défi. Et Lantagnac comprit qu’à l’assaut de la tendresse, allait succéder le choc des sentiments de race, la dangereuse passion de ce drame intime qui les jetait un peu plus chaque jour l’un contre l’autre. C’est donc d’une voix sèche que Maud répliqua :

— J’ai connu un temps, Jules, où le souci de vos compatriotes ne vous trouvait pas si chatouilleux.

— Rendez-moi justice, Maud, riposta Lantagnac, avec une vivacité à peine dissimulée ; j’ai eu pitié des miens ; je n’en ai jamais eu le mépris.