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L’ÉMANCIPATION D’UNE ÂME

griné Lantagnac, lui devenait tout à coup une vive blessure. Les faits s’enchaînaient si bien dans leur douloureuse signification. Pour ce matin du premier janvier, Lantagnac avait formé un beau rêve qui tenait peut-être un peu de la chimère. Il eut souhaité ardemment inaugurer, dans sa famille, la touchante coutume de la bénédiction paternelle. Aux environs de Noël, plusieurs fois il en avait parlé à Virginia, désirant vivement qu’elle en parlât aux autres. Avec l’éloquence de ses souvenirs, il avait décrit à son enfant bien aimée, l’émouvante beauté de ces scènes familiales au vieux foyer de Saint-Michel. Avec des mots touchants, graves et doux, il lui avait montré la fécondité de la vénérable tradition. Par elle, avait-il dit, s’étaient maintenus dans la famille canadienne, l’atmosphère surnaturelle et cette sorte de caractère sacré qu’y revêt l’autorité du père.

Au matin du premier de l’an, Virginia, allante et courageuse comme toujours, s’était jetée aux genoux de son père. À dessein, pour entraîner si possible les autres, la vaillante enfant avait choisi son moment. C’était à l’heure du déjeuner, alors que toute la famille allait se mettre à table, que les souhaits et les poignées de mains s’échangeaient.

— Mon père, voulez-vous, s’il vous plaît, me bénir ? dit Virginia agenouillée et les mains jointes.