Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
171
PRÉPARATIFS DE BATAILLE

pressant d’expliquer sa conduite à Maud. Mais cette explication, il la différa pendant deux jours. Autant il se sentait fort devant un assaillant comme Duffin, autant il se reconnaissait faible devant les larmes d’une femme, quand cette femme était la mère de ses enfants, la fiancée de sa vingt-cinquième année. Lantagnac fut délivré subitement de toutes ses hésitations. Le matin du 5 mai, Maud lui dit en passant près de lui :

— Lius, je veux vous voir chez moi, ce soir, à sept heures et demie. Serez-vous libre ?

— Certainement, dit Jules, qui ne put se défendre d’un moment de trouble.

« Lius », avait dit Maud. Elle venait de l’appeler du petit nom affectueux, abréviation du prénom anglais Julius que depuis longtemps elle paraissait avoir oubliée. Ce simple mot était allé tout droit au cœur de Lantagnac. Il avait pressenti la détermination de Maud de faire jouer contre lui les arguments de la sensibilité. Or, il savait par expérience, de quelles exubérances sentimentales peut devenir capable à certaines heures, l’âme anglo-saxonne. Trop contenu, trop guindé par une éducation sévère et par un excès de réserve puritaine, le sentiment, quand il déborde chez elle, ignore presque toujours les demi-revanches. Et Lantagnac songeait que là, dans la chambre de sa femme, dans le cadre de leur plus complète, intimité, il serait d’une faiblesse dangereuse.