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PRÉPARATIFS DE BATAILLE

— Ainsi donc, dit-elle, vous êtes toujours emmuré dans vos idées, toujours implacable pour moi ?

Et sa voix s’adoucit sur les derniers mots, tellement elle eut peur d’avoir paru un peu vive. Lantagnac se retourna à demi de son côté ; il la considéra quelques instants :

— Comme vous paraissez triste, Maud, dit-il ; Dieu m’est témoin pourtant qu’un seul devoir nous divise.

— Mais ce devoir, vous l’acceptez, mon ami, gémit-elle, au risque même de démolir votre foyer. Puis, elle se laissa tomber au fond de son fauteuil, la tête penchée vers son mari, et se mit à sangloter comme une enfant. Ces gémissements d’une femme qui était la sienne, ces sanglots dans cette chambre, bouleversaient Lantagnac ; ils éveillaient au fond de son âme l’écho d’une tristesse inexprimable. Ils lui semblaient pleurer sur le cadavre de son bonheur. Il avait pris dans sa main la main de Maud, et, les yeux levés vers la photographie de leurs lendemains de noces, il se laissait aller vers ce souvenir lointain. Il revoyait un jeune couple se promenant, un soir de mai de l’année 1893, sur la terrasse Dufferin à Québec. Maud avait choisi elle-même, pour terme du voyage, la capitale québecquoise. Ce soir de mai, une fanfare exécutait sous un kiosque de la terrasse, des airs nationaux. Jules et Maud se perdaient dans le flot des promeneurs. Ils n’existaient l’un et l’autre que pour eux seuls. Elle,