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L’APPEL DE LA RACE

s’abandonnait au bonheur de la découverte de son jeune mari si noble et si beau. À ce bonheur se mêlait pour Maud la joie de sa conversion récente ; et cela lui mettait dans l’âme une allégresse chantante. Lui, isolé parmi les siens, par ses con victions nouvelles, s’appuyait sur le bras de sa jeune femme comme sur le grand et seul appui de sa vie. Il s’en allait, ce soir-là, plein de la double joie d’avoir conquis sa fiancée sur la foi protestante et sur la race supérieure. La musique du kiosque donnait des ailes à son rêve. Ils allaient et venaient tous deux sur la terrasse majestueuse, depuis l’escarpement sombre de la citadelle jusqu’à l’autre bout où se dressaient dans la nuit, comme des silhouettes gigantesques et comme l’émanation d’un monde épique, les clochers de la hauteville. Au-dessus de leur tête, dans l’atmosphère d’une nuit tiède et mystique, les étoiles se rejoignaient aux lumières de la côte de Lévis, aux feux ambulants des navires dans la rade, et mêlaient si bien le ciel et la terFe que les jeunes mariés ne savaient plus si leur bonheur n’avait rien que de terrestre.

Lantagnac revit cette scène de l’Eden de sa jeunesse. Et qu’elle lui revînt dans un moment pareil, dans cette chambre où paraissait agoniser son amour, lui fit monter, à lui aussi, des larmes aux yeux. Maud était toujours là, affaissée dans son fauteuil, la tête inclinée sur la poitrine, qui sanglotait désespérément. Elle lui parut dans une détresse suprême. Il se souvint d’une phrase que