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L'APPEL DE LA RACE

plus vive dans son esprit, la réalité du devoir pesait plus lourde sur sa conscience et augmentait la révolte de sa sensibilité. Un moment, il quitta son fauteuil et se mit à marcher dans la cellule du religieux, en proie à la plus intense agitation.

— Ainsi donc, soupira-t-il, ne cachant point l’angoisse qui le mordait au cœur, ainsi donc, si vous avez raison contre moi, Père Fabien ; si la tactique des chefs est la bonne, il ne me reste plus qu’à m’y conformer ; et je le dois, au prix de mon bonheur, au prix même de mon foyer ?

Le religieux considéra un instant l’avocat, dans ce bouleversement qui altérait ses traits. Il comprit, à ce moment, la gravité cruelle de son rôle de conseiller. Dans son esprit, il chercha les formules adoucies, tous les palliatifs que lui permettait la doctrine.

— Lantagnac, commença-t-il, ne craignez-vous pas d’ajouter indûment au caractère déjà tragique du problème ? Ai-je jamais soutenu que votre sacrifice dût aller jusqu’à cette rigueur de vous transformer en destructeur de votre foyer ?

— Mais n’est-ce pas ce que me demandent, ce qu’exigent de moi tous nos amis ? rétorqua l’avocat qui vint s’appuyer debout au dossier de son fauteuil, avec une plainte amère au bord des lèvres.

— Pas que je sache, rectifia le religieux. Beaucoup ignorent en quelle alternative cruelle vous vous débattez. Ceux qui l’ont appris, vous plaignent, mon pauvre ami ; mais parmi ceux-là,