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L’APPEL DE LA RACE

« Souvent, a dit Emerson, un moment arrive où l’âme de nos pères apparaît dans le clair miroir de nos yeux ». L’âme de toute sa race vibrait dans la personne, dans la voix du député de Russell. Ceux qui d’en haut savaient comprendre ce spectacle, voyaient s’agrandir la petite arène parlementaire jusqu’aux proportions du champ de bataille toujours ouvert où s’affrontent, depuis Sainte-Foy, deux races et deux civilisations. Le débat s’élevait ainsi à une solennité émouvante qui faisait passer parfois, à travers la Chambre et les galeries, le frisson de l’émotion pathétique. Un moment, l’orateur se prit à évoquer la souffrance intime des pères de famille qui n’ayant pu donner à leurs enfants une éducation conforme à leurs traditions, ont le regret de sentir des étrangers dans leurs propres fils. En prononçant ces paroles, involontairement Lantagnac a levé les yeux, droit devant lui, vers les tribunes. Subitement il a pâli et le dernier mot s’est éteint dans sa gorge. D’où lui était venu ce trouble soudain ? La Chambre n’a rien soupçonné de la cause véritable. Elle n’y a vu qu’une émotion trop forte qui, un instant, avait étranglé la voix de l’orateur.

Lantagnac s’assit au milieu d’applaudissements presque unanimes. Ses collègues autour de lui le félicitèrent chaudement. Et pendant que les tribunes applaudissaient à leur façon, par une longue rumeur de paroles impatientes de racheter un long silence, sir Wilfrid Laurier se levait de son siège et venait porter à l’orateur ses compliments :