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L’APPEL DE LA RACE

grand silence de la maison : elle était déserte. Seuls, le domestique et deux servantes étaient restés. Maud qui redoutait plus encore que son mari une dernière entrevue, avait décidé de partir pendant i’absence de monsieur de Lantagnac. Lui, maintenant, loin de se sentir soulagé, éprouvait, de ce départ précipité, de cette séparation sans adieux, une tristesse qui le navrait. Ce soir-là, il se mit à table, mais ne put manger. Le coeur noyé de douleur, il partit à travers la maison, errant d’étage en étage, comme pour chercher les absents qui ne reviendraient jamais. Doucement, avec une sorte de terreur, il poussa la porte de la chambre de Maud. Une odeur étrange, odeur de maison abandonnée reflua jusqu’à lui. La chambre était vide. Aux murs, quelques lignes blanches, usures des cadres et des meubles, rayaient la tapisserie. Ça et là sur le plancher, la poussière s’était déjà ramassée en petits flocons laineux. Détail cocasse mais poignant : une roulette de pied de lit, oubliée dans le déménagement, gisait au milieu de la pièce. Lantagnac referma la porte, rejeté en dehors, lui semblait-il, par le souffle d’un caveau funéraire. De là il passa dans la chambre de Nellie. Même vide et même atmosphère de tombeau. Dans celle de William, un volume était resté, apparemment oublié sur une table : L’Avenir du peuple canadien-français d’Edmond de Nevers, volume que Lantagnac avait offert à son fils aux vacances de Noël. Le livre, non découpé, portait à la première page